Trois années après son lancement en Côte d’Ivoire, Orange Bank Africa se prépare à déployer ses services au Sénégal. Son CEO, Jean-Louis Menann-Kouamé, a bien voulu faire le point, pour Agence Ecofin, sur l’avancée de la banque 100% digitale, l’efficacité de son concept et les prochaines étapes de son développement.
Agence Ecofin : Il s’est déjà écoulé près de 3 ans depuis le début des activités d’Orange Bank Africa en Côte d’Ivoire. Pouvez-vous nous donner un aperçu de la position que vous occupez actuellement sur le marché du financement dans le pays ? Et plus important encore, quelle est votre touche distinctive, quelque chose que vous faites différemment de tous les autres acteurs du secteur du crédit ?
Jean-Louis Menann-Kouamé : Le secteur bancaire ivoirien est le plus important de l’espace UEMOA et représente environ 30% des actifs consolidés du système bancaire de la zone : on compte à fin décembre 2022 près de 28 banques et 2 établissements financiers.
C’est dans cet environnement bancaire que nous avons su prendre notre place au cours des trois dernières années, en jouant un rôle significatif sur le marché du financement. Depuis le lancement de l’activité, Orange Bank Africa a accordé plus de 220 milliards de FCFA de Tik Tak, le prêt digital disponible en une poignée de secondes sur le compte Orange Money du demandeur.
« Orange Bank Africa a accordé plus de 220 milliards de FCFA de Tik Tak, le prêt digital disponible en une poignée de secondes sur le compte Orange Money du demandeur.»
Plus de 1 million de crédits Tik Tak, d’une valeur totale de 72 milliards de FCFA, ont été distribués aux commerçants qui constituent une part importante du portefeuille. Au niveau de l’épargne, 120 milliards de FCFA ont été collectés via l’offre Epargne Tik Tak disponible à partir d’1 FCFA. Notre impact en faveur de l’inclusion financière est d’ailleurs largement reconnu puisque selon nos dernières données, le taux de bancarisation moyen est passé de 18 % en 2019 à 30 % en 2022 avec notre arrivée, soit une contribution nette de 5 points vs. 3 points pour toutes les autres banques.
Ceci a été rendu possible par notre modèle d’affaire inédit, 100 % digital, qui permet aux clients d’accéder à des solutions bancaires simples, directement depuis leurs téléphones portables.
AE : Pour comprendre le fonctionnement de votre relation client, pourriez-vous nous expliquer étape par étape comment Orange Bank Africa interagit avec ses clients ?
JLMK : Le parcours concernant les offres digitales de prêt et d’épargne est basé sur l’accessibilité, la simplicité et la transparence, depuis l’inscription qui s’effectue à distance via l’application Orange Money, jusqu’à la confirmation des opérations. Selon nous, ce sont des éléments indispensables pour renforcer l’inclusion financière. En s’appuyant sur la puissance de l’intelligence artificielle, notre système rationalise le processus de décision du crédit, dans un souci de gain de temps pour le client. Dès lors, le prêt sollicité est reçu à l’instant même sur le compte Orange Money du demandeur.
« En s’appuyant sur la puissance de l’intelligence artificielle, notre système rationalise le processus de décision du crédit, dans un souci de gain de temps pour le client. »
Non seulement, notre démarche est plus simple, mais elle est surtout plus rassurante pour les segments de clients peu habitués aux pratiques bancaires. Et ils y adhèrent massivement ! Pour preuve, plus d’un client sur deux ayant ouvert un compte bancaire en Côte d’Ivoire entre 2020 et 2022 est un client d’Orange Bank Africa.
Hormis le canal digital, nous proposons un service dédié en agence pour les particuliers, entreprises et professionnels en quête de renouveau dans l’accompagnement bancaire.
AE : Est-ce que votre institution a la capacité de générer de la monnaie comme le ferait une banque traditionnelle ?
JLMK : Depuis les années 70, le mécanisme de la création monétaire repose sur le crédit bancaire. Notre activité de financement nous installe d’emblée dans le rôle de générateur de monnaie, en tant que banque de plein exercice. En d’autres termes, chaque fois que nous accordons un prêt à un client, nous créons la monnaie qui correspond en créditant le compte de l’emprunteur. D’un côté, la banque procède à l’octroi du prêt sous forme d’écritures comptables, et de l’autre, le client peut en disposer physiquement par exemple, sous forme de billets de banque.
AE : Il est intéressant de noter, concernant Orange Bank, que votre groupe a rencontré en Europe et en Afrique des dynamiques différentes de celles initialement attendues. Quelles sont les éléments spécifiques qui ont fait la différence entre les deux continents ?
JLMK : Nous n’évoluons pas dans les mêmes contextes et environnements. En Europe, les services financiers sont déjà bien établis. En France, par exemple, selon la Cour des comptes, plus de 99% des habitants sont titulaires d’un compte bancaire en 2021. La situation est toute autre en Afrique, notamment en Afrique subsaharienne où le taux de bancarisation n’est que de 55% sur cette même période. De nombreuses personnes n’ont pas accès aux services bancaires traditionnels.
En Côte d’Ivoire, premier pays d’implantation d’Orange Bank Africa sur le continent africain, plus de 80% de la population possède un téléphone portable. Notre modèle économique s’appuie sur le succès d’Orange Money qui a fortement contribué à remodeler l’inclusion financière, en offrant aux personnes non bancarisées un moyen pratique de stocker et sécuriser de l’argent, d’effectuer des transactions, d’accéder à des services financiers. Ainsi, en trois ans d’exercice, nous avons conquis près de 1,3 million de clients dont 31% de femmes.
AE : La cible des personnes non-bancarisés n’est généralement pas très prospère. Comment, tout en poursuivant vos actions d’inclusion financière, pouvez-vous assurer votre profitabilité ? En aidant cette population à améliorer ses revenus ? en diversifiant votre cible en direction de clients plus aisés ?
JLMK : Orange Bank Africa est une banque ouverte à tous les types de clients, indépendamment de leur catégorie socioprofessionnelle. Par conséquent, notre offre évolue de façon constante pour correspondre aux attentes de chaque segment. A propos des populations non-bancarisées que nous visons principalement par nos produits digitaux, ce sont les mêmes qui participent au leadership d’Orange Money sur le marché de l’argent mobile en Côte d’Ivoire depuis 15 ans. Ils génèrent, contrairement aux idées reçues, d’importants volumes de transactions financières sur ce marché. Pour notre modèle d’affaires, c’est une cible prometteuse en termes de potentiel de développement, dont nous avons cerné les besoins en matière d’éducation financière. Nous sensibilisons ces clients sans discontinuer sur les notions d’engagement et de remboursement de crédit, sachant que le respect des délais conditionne à l’évidence leur éligibilité. Mais avant tout, il convient de signaler que notre capacité à prêter de l’argent spécifiquement aux populations non-bancarisées, repose sur un outil de « scoring » qui évalue en temps réel le risque crédit en exploitant les données dérivées à la fois des usages Orange et Orange Money.
« Notre capacité à prêter de l’argent aux populations non-bancarisées repose sur un outil de « scoring » qui évalue en temps réel le risque crédit en exploitant les données dérivées à la fois des usages Orange et Orange Money.»
En clair, pour chaque demande de prêt, le système analyse les comportements du souscripteur afin de déterminer sa fiabilité et le niveau d’endettement supportable pour lui en fonction de ses usages Orange, la fréquence des dépôts Orange Money et les soldes de compte. Et les crédits arrivés à échéance font chaque jour l’objet d’un recouvrement par un balayage automatique. Ce qui a pour effet de réduire de façon drastique le niveau des impayés. En dehors des mécanismes internes qui visent à préserver les intérêts de la banque, nous disposons d’un moyen dissuasif instauré par la BCEAO à l’encontre des mauvais payeurs : c’est la Déclaration au Bureau d’Information sur le Crédit (BIC), permettant aux banques agréées de la zone UEMOA d’accéder à des rapports détaillés de solvabilité individuelle. Celles-ci peuvent en raison du risque avéré, rejeter les dossiers de crédit des personnes en défaut de paiement, signalées au BIC.
AE : Au cours des trois dernières années, quels enseignements avez-vous tirés de l’évolution de l’économie et du financement en Afrique de l’Ouest ?
JLMK : Notre principal enseignement est l’impact direct que nous avons dans le quotidien de nos clients, tous profils confondus.
L’Afrique de l’Ouest représente 27% du PIB du continent, soit un PIB plus élevé que les autres régions africaines, avec une croissance moyenne de 3,8 % en 2022 selon la BAD. Nous sommes conscients des besoins de financement dans cette région particulièrement dynamique, et avons à cœur de les accompagner avec une emphase auprès des populations en milieu rural, des femmes ainsi que des entrepreneurs. Orange Bank Africa est déjà à l’initiative de programmes spécifiques destinés à soutenir les acteurs de différents écosystèmes, en partenariat avec des institutions publiques ou privées tels que ONU Femmes, Birimian, Sephis, ESP, Feef…
Ces milliards de FCFA de prêts Tik Tak accordé depuis 3 ans aux particuliers et aux entreprises, contribuent à stimuler l’économie réelle ; nous mettons en lumière le fait que le digital est un levier essentiel pour l’inclusion financière.
AE : Envisageons l’avenir. Comment Orange Bank Africa se positionne-t-elle dans les années à venir ? quels sont vos objectifs à moyen et long terme ?
JLMK : Nous comptons poursuivre nos efforts dans la promotion de l’inclusion financière pour les populations de la région ouest-africaine. Nous préparons d’ailleurs l’ouverture de notre succursale du Sénégal, après avoir obtenu récemment l’autorisation de la commission bancaire de l’UMOA.
« Nous arrivons confiants au Sénégal où les 3 millions de clients actifs détenteurs d’un porte-monnaie électronique d’Orange, constituent autant d’opportunités de croissance pour Orange Bank Africa. »
Cette décision qui confirme la confiance placée dans notre modèle d’affaires, marque un nouveau tournant dans l’histoire de la banque. Un modèle poussé à la perfection en Côte d’Ivoire, où nous avons accompli beaucoup en seulement 3 ans. Le meilleur reste à faire au regard des performances inégalées d’Orange Money depuis 15 ans sur le marché ivoirien. Nous arrivons confiants au Sénégal où les 3 millions de clients actifs détenteurs d’un porte-monnaie électronique d’Orange, constituent autant d’opportunités de croissance pour Orange Bank Africa.
Source: Ecofin
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