AFRIQUE – TECH : De l’inclusion numérique à l’innovation : comment accompagner le développement africain ?

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Dans un entretien au Point en 2020, l’économiste politique et fondateur du Next Einstein Forum, Thierry Zomahoun, déclarait : « L’Afrique n’a pas le choix. Au XXIe siècle, les nations et les pays seront jugés, non pas par rapport à leurs richesses naturelles ou à leurs ressources dans le sous-sol, mais à leur capacité d’innovation. »

Suivant cette déclaration, les nouvelles technologies peuvent jouer un rôle clé dans cette transformation qui permettra de façonner l’avenir d’une Afrique 3.0. Toutefois, la capacité du continent à innover, condition essentielle pour sa pleine émergence, dépendra du renforcement de l’inclusion numérique. En effet, en fournissant un accès abordable et équitable à Internet et aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), les populations pourront développer de nouvelles compétences et leur créativité afin de développer des solutions innovantes pour répondre aux défis auxquels ils sont confrontés. Parallèlement, l’innovation jouera un rôle clé dans le renforcement de l’inclusion numérique.

A l’origine d’un cercle vertueux, inclusion et innovation vont de pair et sont des éléments clés pour façonner un avenir prometteur en Afrique. La jeunesse, l’innovation et la technologie révolutionneront le continent et lui permettront de libérer les plein potentiel des pays tout en créant un avenir plus prospère et inclusif pour ses habitants. Dans cette optique, il est donc essentiel de renforcer l’inclusion numérique qui servira de catalyseur pour transformer les économies, améliorer les conditions de vie et favoriser l’autonomisation des individus et des communautés.

Vers une Afrique de l’innovation et de l’inclusion ?

En moins de deux décennies, le secteur des TIC en Afrique a connu une croissance sans précédent, l’économie numérique se prédestinant à être l’un des principaux moteurs de croissance des pays, alors qu’elle n’en était qu’à ses prémices il y a une dizaine d’années. Au début des années 2010, la plupart des pays de la région subsaharienne ont connu l’essor de l’Internet haut débit mobile grâce à la technologie 3G. Moins de dix ans plus tard, l’ultra haut débit a fait son apparition avec l’arrivée, certes timide mais prometteuse, de la 5G. La connectivité mobile a progressivement pris le relais de la connectivité fixe, offrant ainsi à plus de 300 millions d’Africains l’accès aux nombreuses opportunités qu’offre Internet en 2022. En comparaison, ils n’étaient que 100 millions d’utilisateurs d’Internet en 2011. L’augmentation du taux de pénétration a également été à l’origine d’une démocratisation du téléphone portable, et cette tendance devrait se poursuivre avec une croissance remarquable dans les prochaines années. En effet, selon un rapport publié en février 2023 par l’Association mondiale des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile (GSMA), il a été constaté qu’en 2022, 51 % de la population d’Afrique subsaharienne possédait un smartphone. Ce chiffre est estimé à 87 % d’ici 2030.

Ces pourcentages mettent en évidence l’importance croissante du numérique et démontrent à quel point les nouvelles technologies ont pris une place prépondérante dans la vie quotidienne des populations africaines grâce à l’amélioration de la connectivité. Elles jouent en effet un rôle clé en tant que vecteur de développement socio-économique, d’innovations et de réponse aux besoins identifiés. Les TIC se sont tout particulièrement révélées essentielles pendant la crise pandémique de la Covid-19 où les mesures de distanciation sociale ont posé d’importantes difficultés, notamment pour les populations les plus marginalisées. Au cours de cette période, l’Afrique a malgré tout montré sa capacité à innover rapidement pour répondre à ces problématiques contextuelles.

De nombreuses solutions ont ainsi été développées dans le secteur de l’éducation, de la santé ou encore de la finance afin de permettre à tout un chacun de bénéficier de services essentiels et ainsi de renforcer l’inclusion sur le continent. Des solutions de télémédecine et des applications mobile de santé ont été créées afin de faciliter la consultation à distance, le suivi médical et la sensibilisation aux soins, notamment pour les populations vivant dans des zones éloignées des structures médicales. De même,
avec l’amélioration de la connectivité, l’accès aux infrastructures bancaires a été facilité grâce à la démocratisation des services de mobile money. Ces avancées ont considérablement favorisé l’inclusion financière en permettant à des millions d’individus qui n’étaient jusqu’alors pas bancarisés de bénéficier désormais de services financiers sûrs et sécurisés, ce qui a transformé et facilité leur quotidien. Enfin, la pandémie a également révélé la puissance des EdTech, ces start-ups innovantes qui mettent le numérique au service de l’éducation. Les solutions développées ont ainsi permis à des millions d’enfants et d’étudiants d’accéder à l’apprentissage en ligne et de bénéficier de ressources éducatives leur permettant ainsi de continuer à développer leurs compétences.

La crise sanitaire est ainsi un exemple de la capacité de l’Afrique à développer des technologies et des solutions innovantes qui lui sont indispensables pour répondre aux problématiques identifiées et renforcer l’inclusion. Il ne fait aucun doute que les technologies de pointe telles que la 5G, l’intelligence artificielle (IA), le cloud et l’Internet des Objets (IoT) joueront un rôle essentiel dans la recherche de solutions prometteuses pour surmonter les contraintes systémiques. C’est pourquoi, et à juste titre, Sabrina Meng, Présidente tournante et directrice financière de Huawei, appelait à embrasser le potentiel de la 5G lors du MWC Shanghai 2023. Au regard de l’importance croissante que prendra cette technologie dans les années à venir, y compris en Afrique, Huawei a organisé au MWC de nombreuses discussions et tables rondes visant à favoriser les échanges sur les avancées de la transformation numérique et le rôle de la 5G dans l’innovation technologique, en vue de stimuler l’économie numérique en apportant une valeur ajoutée significative.

Il est ainsi possible d’affirmer que l’innovation et le fort potentiel entrepreneurial sur le continent contribuent à renforcer l’inclusion. Mais il convient également de noter que parallèlement, le renforcement de l’inclusion, en particulier dans le domaine numérique, favorise également l’innovation. En effet, en permettant à un nombre croissant de personnes d’accéder aux TIC, l’accélération de l’inclusion numérique engendre une démocratisation des connaissances, une participation accrue à l’économie numérique et une stimulation de l’innovation. Lorsque les individus sont inclus et ont accès aux outils et aux plateformes numériques, ils sont alors en mesure de développer et d’exprimer leur créativité, leur expertise et leurs idées novatrices. Dans le renforcement de l’innovation et de l’inclusion, la jeunesse africaine joue un rôle central. Animés par un potentiel entrepreneurial élevé et une soif de transformer les défis en opportunités, les jeunes Africains apportent des solutions novatrices aux problèmes sociaux, économiques et environnementaux auxquels le continent est confronté.

L’innovation et l’inclusion fonctionnent donc en synergie, créant un cercle vertueux de développement. Lorsque l’inclusion est renforcée, elle permet à davantage de personnes d’accéder aux opportunités, de participer à l’économie et de contribuer à l’innovation. En retour, l’innovation stimule la croissance économique, créant de nouvelles opportunités et renforçant l’inclusion. Cette dynamique positive crée un élan pour le progrès et le développement durable en Afrique, où l’innovation et l’inclusion se renforcent mutuellement.

De l’urgence de construire un avenir connecté et inclusif en Afrique

La réalisation d’une Afrique 4.0, où l’innovation et l’inclusion sont étroitement liées, ne pourra être complète sans relever certains défis persistants, et en premier lieu celui de la faiblesse des infrastructures existantes. Sur le continent, il existe encore d’importantes disparités en termes de taux de pénétration d’Internet et d’accès à la connectivité. Selon les estimations datant de janvier 2023, le taux de pénétration d’Internet était évalué à 70,6 % en Afrique australe, 65,9 % en Afrique du Nord, 48 % en Afrique de l’Ouest, 27,9 % en Afrique centrale et seulement 23,1 % en Afrique de l’Est en janvier 2023. Ces chiffres soulignent l’ampleur du défi auquel l’Afrique est confrontée pour améliorer l’accessibilité à Internet et réduire les écarts régionaux. Les disparités sont également fortes entre les zones urbaines et rurales. Selon la GSMA, en Afrique subsaharienne, le taux de pénétration de l’Internet mobile en milieu rural n’était que de 16% en 2020, tandis qu’il atteignait 40% en zone urbaine.

Il est donc essentiel d’investir dans des infrastructures durables et de qualité afin de garantir un accès fiable et abordable à Internet dans toutes les régions du continent et ainsi permettre à tous les Africains de bénéficier des opportunités offertes par la révolution numérique. Dans cette dynamique, des projets innovants ont vu le jour, tels que la solution RuralStar Pro déployée par Huawei et ayant pour objectif d’étendre la connectivité dans les zones rurales et éloignées sur le continent. Grâce à celle-ci, quelque 5 000 villages et près de 20 millions de personnes ont pu bénéficier d’une connectivité fiable et de qualité en Afrique.

Mais la fracture numérique n’est pas seulement géographique et territoriale, les inégalités se manifestent également au niveau du genre. Selon un rapport de l’Union internationale des télécommunications (UIT) publié en 2021, seulement 24 % des femmes ont accès au numérique en Afrique contre 35 % pour leurs homologues masculins. Pourtant, le potentiel des femmes dans l’économie n’est plus à démontrer et nul doute que l’utilisation des nouvelles technologies aurait un impact significatif sur leur participation économique. Il est donc nécessaire de mettre en place des politiques et des initiatives spécifiques visant à éliminer les barrières qui limitent leur participation, ainsi qu’à encourager leur inclusion dans les secteurs de l’innovation et de l’entrepreneuriat.

Outre les infrastructures, il est impératif d’investir dans le capital humain en Afrique. Continent le plus jeune de la planète, l’Afrique comptera dans deux générations près de 40% de la jeunesse mondiale, l’un de ses plus grands atouts. Cette ressource démographique extraordinaire nécessite des investissements considérables dans la formation au numérique et la recherche afin de concrétiser la transformation du continent. Cette question a notamment été placée au cœur des débats de la 12e édition des Assises de la Transformation Digitale en Afrique (ATDA), qui s’est tenue à Madagascar les 19 et 20 mai 2023.

Dans cette dynamique, la collaboration est cruciale tant dans le domaine des infrastructures que de la formation. Les secteurs public et privé doivent travailler de concert pour établir un écosystème propice à la croissance et à l’innovation, tout en renforçant simultanément l’inclusion.

L’Afrique a aujourd’hui le pouvoir de changer de narratif. En embrassant l’innovation et en renforçant l’inclusion, le continent peut réaliser son plein potentiel et tracer sa propre voie vers le développement durable et la prospérité. C’est dans cette convergence entre innovation et inclusion que réside la clé d’un avenir radieux pour les pays africains.

Source – afriqueitnews

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