RH – Adieu les cabinets de conseil : ces consultants se mettent à leur compte et multiplient leur salaire

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Les cabinets sont-ils encore utiles si on veut faire du conseil ? De plus en plus de consultants se mettent à leur compte et trouvent des missions grâce à des plateformes, sorte de cabinets digitaux. Avec, à la clé, une plus grande flexibilité mais aussi des salaires bien plus élevés.

Léa entre chez Accenture en alternance, section systèmes d’information. Le diplôme d’école de commerce en poche, elle signe le CDI et grimpe les échelons. Sept ans plus tard, elle est consultante senior. Elle a 30 ans et gagne 65.000 euros en brut annuel, bonus et primes compris. Mais la pression du cabinet, quelques déconvenues managériales et le modèle même du conseil – le fameux « up or out », monter ou partir – la poussent à regarder ailleurs. Mais pas question de quitter le conseil. Elle se rend alors compte qu’elle est souvent lâchée en autonomie chez le client, et tout se passe très bien. A-t-elle besoin du cabinet pour faire du conseil ? Pas vraiment. Elle décide de se mettre à son compte et contacte des structures qui ne comptent que des consultants free-lance dans leurs rangs. Elle rentre en mission chez un groupe assureur allemand, classé numéro trois mondial. Sur des questions de cybersécurité.

Léa réalise peu ou prou les mêmes missions qu’auparavant, à la différence que le salaire a bien changé. Ses compétences accumulées chez Accenture lui permettent de demander 850 euros la journée. C’est nettement moins que ce que le cabinet facturait aux clients pour une de ses journées de travail, mais, désormais, 80 % du montant est pour elle et 20 % pour la structure intermédiaire. « C’était à peu près l’inverse en cabinet », estime-t-elle. Sur toute l’année, elle et sa petite entreprise émargent à 110.000 euros, congés payés inclus. Une somme à laquelle il convient de retrancher les cotisations sociales pour avoir son salaire net.

Léa n’a même pas besoin de démarcher cet assureur. Elle postule à Colibee, une de ces structures qui recrutent des consultants indépendants et qui recherchent les missions. Léa a gagné en qualité de vie. « Je ne cravache plus autant ! J’étale la mission sur plusieurs jours, avec moins de pression. Et je n’ai plus à travailler sur des propositions commerciales du cabinet. J’ai en réalité le même rythme et les mêmes horaires que les salariés du client. »

Cinq pour cent des consultants indépendants ont entre zéro et deux ans d’expérience

Léa est loin d’être la seule à surfer sur la vague de l’ubérisation des cabinets de conseil. Plusieurs de ces intermédiaires comme Weem, Colibee, Comet, Malt ou encore One Man Support (OMS) se sont créés. Certains font seulement de la mise en relation. D’autres recrutent activement des indépendants, démarchent les clients et allouent les consultants selon les besoins. Ces intermédiaires facturent aux clients et reversent le chiffre d’affaires aux consultants, moyennant commission.

Créée en 2008, Colibee compte 25 salariés, qui gèrent 900 consultants indépendants, surtout spécialisés en système d’information et conseil en management. Tous ont été sélectionnés lors d’entretiens où sont passés en revue leur CV et les précédentes missions effectuées dans des cabinets de conseil. Car oui, dans les faits, les trois quarts sont d’anciens de ces grosses machines, dans lesquelles ils ont travaillé entre trois et cinq ans avant de basculer en indépendant. Ici, l’âge médian est de 42 ans. Il est de 38 ans chez OMS, structure créée en 2013 et davantage tournée vers le conseil en stratégie. Le recrutement y semble encore plus exigeant, avec la demande d’une recommandation d’un consultant déjà intégré au « pool » de OMS et de deux références du monde professionnel.

Un processus de recrutement qui fait la part belle aux consultants déjà expérimentés, même si Arnaud Sourisseau, fondateur de OMS, remarque que les très jeunes sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance. « Certains, dès la sortie du master. Pour eux, nous avons mis en place une session de formation, comme le feraient Bain ou McKinsey au moment d’intégrer leurs jeunes diplômés », explique-t-il. Les profils entre zéro et deux ans d’expérience représentent pour l’heure 5 % de ses 2.000 consultants.

Un passage en indépendant impossible il y a dix ans

Dans ces cabinets 2.0, le gros des troupes affiche entre cinq et dix ans d’expérience. Cela correspond au moment où les consultants seniors sont censés devenir managers dans les cabinets. Le moment où on leur demande de vendre des missions, puis de les encadrer. La pression devient plus forte. « C’est le moment où ils se demandent s’ils sont vraiment faits pour travailler en cabinet », souffle Olivier Fernandes, CEO de Colibee. Ils comprennent aussi que leur salaire est nettement inférieur à ce qu’ils pourraient percevoir en indépendant…

Selon les plateformes interrogées, ces consultants facturent entre 500 et 2.000 euros la journée, selon la séniorité, la spécialité et la durée de la mission. Cela peut grimper au-dessus de 2.000 euros pour les anciens directeurs de cabinet qui se sont mis à leur compte après une vingtaine d’années d’expérience. Des tarifs « jour/homme » qui font cumuler certains salaires mensuels à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Mais attention, entre vacances et périodes sans mission, tous les jours de l’année ne sont pas travaillés.

Romain (le prénom a été modifié) n’avait que six années d’expérience au compteur quand il s’est mis à son compte. Diplômé de CentraleSupélec et l’ESCP, il a fait ses armes au sein du cabinet Roland Berger, avant de vouloir changer son mode de vie : « Trois mois de mission puis voyager. » Son bagage de consultant est alors suffisant pour développer sa propre activité. Tous les trois mois, il contractualise avec le client selon les besoins et prolonge ses missions au gré de ses envies.

La flexibilité, c’est bien ce qui a séduit Léa, en plus de la hausse de salaire. « Si tu veux travailler moins, avec un rythme plus sain, tu peux. Même un quatre-cinquième. Il faut juste assumer la décote sur tes revenus. »

Le luxe du choix de sa mission

« Cette bascule en indépendant aurait été impossible il y a dix ou quinze ans, assure Romain. Les entreprises n’étaient pas prêtes à recourir aussi facilement au free-lancing. Aujourd’hui, elles ont conscience d’avoir besoin d’une compétence en particulier, sur une période donnée », décrypte le consultant en stratégie.

OMS revendique de collaborer avec deux tiers des entreprises du CAC 40, mais aussi des start-up et des ETI. Ces nouveaux cabinets collaborent même avec les anciens. Colibee envoie des consultants compléter par exemple les effectifs de BearingPoint ou PwC. « Des cabinets peuvent avoir du mal à recruter les profils de quatre à sept ans d’expérience, ceux qui partent le plus », témoigne le patron de Colibee.

Une variété de missions qui permet aux consultants indépendants, « s’ils sont bons », précise Léa, de pouvoir choisir. « Dans un cabinet de conseil classique, on peut refuser une fois, voire deux fois des missions ; au bout de la troisième, on ne nous laisse plus le choix », rappelle Arnaud Sourisseau, de OMS, lui-même ancien de Bain & Company.

Source – start.lesechos

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