RH – Faible performance des entreprises publiques : la qualité des ressources humaines en question !

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Six ans après la réforme la réalité est implacable : les entreprises dont les membres des organes sociaux sont compétents et respectueux de la réglementation présentent une performance élevée et celles qui n’en n’ont pas sont contre performantes. La nouvelle classification des entreprises publiques publiées par le ministère des finances le 03 janvier 2023 nous donne le prétexte d’affirmer que la réforme des entités publiques amorcées en 2017 ne saurait produire des changements attendus en l’absence d’une attention accordée à la qualité des ressources humaines, notamment les dirigeants et les membres des organes sociaux (Conseil d’administration et Assemblée Générale). Cette exigence est confortée par  la théorie du changement de la réforme qui  postule implicitement que les incitations promises aux dirigeants et aux organes sociaux à travers la catégorisation des entreprises sont des leviers principaux de la réforme. La présente réflexion vise à analyser les caractéristiques communes aux entreprises qui ont amélioré leur performances et celles qui ont été contre performantes. Pour cela, il convient de présenter les principaux constats (I) et d’analyser les points communs aux entreprises qui ont progressé (2) et ceux des entreprises qui ont régressé (3). Les entreprises qui ont stagné, plus nombreuses ne font pas l’objet d’intérêt dans la présente réflexion.

  1. Principaux constats

Sur 37 entreprises,

  • 3 entreprises ont substantiellement amélioré leurs performances. Elles ont changé favorablement de catégories : le Port Autonome de Douala (PAD) qui passe de la troisième catégorie à la deuxième ; l’Electricity Development Corporation (EDC) qui passe de la quatrième catégorie à la troisième  et la Société Nationale de transport d’Electricité (SONATREL) qui passe de la cinquième catégorie à la deuxième. Cette dernière entreprise enregistre la meilleure performance.
  • 6 entreprises ont régressé : la Compagnie Camerounaise de l’Aluminium (ALUCAM) qui passe de la première catégorie à la deuxième ; la Cameroon Airlines Corporation (CAMAIR-Co) qui passe de la troisième catégorie à la quatrième ; la Cotonnière Industrielle du Cameroun (CICAM S.A) qui passe de la troisième catégorie à la quatrième ; le Crédit Foncier du Cameroun (CFC) qui passe de la troisième catégorie à la quatrième ; le Chantier Naval et Industriel du Cameroun (CNIC) qui passe de la quatrième catégorie à la cinquième ; et la Pamol Plantations Plc (PPPlc) qui passe de la quatrième catégorie à la cinquième.
  • 25 ont stagné et se maintiennent à la même catégorie dont 4 à la première catégorie. Ces dernières ne pouvant connaitre de progression catégorielle, leur maintien peut être considéré comme une bonne performance. Au total donc,  21 entreprises n’ont pas connu une amélioration substantielle de leur performance.

On en conclut donc que sur 37 entreprises, 18,91% ont réalisé de bonnes performances, 16,21% ont régressé et 56, 75% ont stagné. Pour la réforme, le fait de régresser ou de stagner est un échec soit 80,09% d’entreprises n’ont pas été à la hauteur des attentes.

CAMTAINER qui était à la cinquième catégorie en 2019 n’apparait plus dans le classement de 2023 ; le Laboratoire National vétérinaire (LANAVET) n’était pas classé en 2019 et la Société Nationale des Mines (SONAMINES) n’était pas créée ; elles apparaissent à la cinquième catégorie en 2023.

  1. Y a-t-il des caractéristiques communes aux entreprises qui ont progressé ?

Les rapports de la CTR sur la situation des entreprises et établissements publics sont une source fiable pour répondre à cette question. Nous nous référons principalement au rapport de 2020 et accessoirement au rapport de 2019. Il ressort que les entreprises qui ont progressé sont caractérisées par une bonne gouvernance : la disponibilité, fonctionnement effectif et conforme à la réglementation des organes sociaux et de leurs comités spécialisés. La production et l’approbation des comptes dans les délais légaux, un endettement soutenable envers les tiers.

En 2020, le PAD a renouvelé ses organes sociaux. Il a coopté de nouveaux administrateurs représentant les aconiers, les armateurs et l’Autorité Portuaire Nationale (APN). La dette envers les tiers a baissé (dette fiscales et dettes fournisseurs), la dette sociale reste élevée. Le PAD respecte les délais légaux de tenue des sessions des organes sociaux.

En 2020, la SONATREL se caractérise par : la tenue régulière et dans les délais légaux des sessions des organes sociaux ; le caractère actif des comités spécialisés du Conseil d’Administration, une bonne  tenue des registres de titres nominatifs émis par la société conformément aux dispositions OHADA. Elle dispose d’une commission de passation des marchés et d’une commission spéciale de passation des marchés. Sa situation financière présente un risque faible.

En 2020, aucune information n’est disponible sur la gouvernance en ce qui concerne EDC. En 2019, il est rappelé le respect de la tenue dans les délais des sessions du Conseil d’administration.

Dans ces trois entreprises, si des efforts sont faits pour limiter les dettes envers les tiers, la dette sociale reste élevée. On en conclut que les entreprises qui ont progressé sont gérées par des responsables qui respectent les exigences de gouvernance.

  1. Y a-t-il des caractéristiques communes aux entreprises qui ont régressé ?

Comme pour l’analyse précédente, les rapports de la CTR renseignent sur les défauts de gouvernance qui justifient la faible performance de certaines entreprises. En dehors du cas le PALMOL affectée par la crise dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, la « mal » gouvernance est la principale cause évoquée pour expliquer la contreperformance des entreprises qui ont régressé : retard dans l’adoption et l’approbation des comptes, l’absence de désignation du PCA (Alucam en 2020), la tenue des Conseils d’administration hors des délais légaux, inefficacité des fonctions de gestion (audit interne), absence des outils de gouvernance (manuel de procédures administratives et financières), faible lisibilité de l’organigramme. En plus de ces constats, il y a l’endettement insoutenable. Les détails de chaque entreprise sont présentés ci-après.

En 2020, Alucam, le Président du Conseil d’Administration (PCA)  n’est pas désignée malgré l’arrimage de ses textes à la loi 01/2017 du 12 juillet 2017. L’entreprise présente un besoin en ressources financières important.

En 2020, la CAMAIR CO  présente un retard dans l’adoption et l’approbation des comptes. Ses dettes fiscales et sociales sont élevées, son schéma de restructuration est envisagé.

En 2020, la CICAM se caractérise par des dysfonctionnements au niveau du contrôle interne. Elle ne dispose pas de manuel de procédures administratives et financières et de la cartographie de risques. Son  plan d’organisation et d’effectifs n’est pas finalisé ; il n’y a pas de visibilité sur son organigramme. La CICAM connait une baisse drastique de son chiffre d’Affaires. Elle a atteint le seuil critique pour la poursuite de son exploitation ; son endettement (fiscal, social, patronal) demeure préoccupant, la dette fournisseurs demeure élevée. C’est depuis 2020, la CICAM qu’elle est qualifiée d’entreprise en faillite. Question : doit-elle être classée en 4 ième catégorie ? Doit- elle figurée parmi les entreprises à classer ?

En 2020, le Crédit Foncier du Cameroun (CFC) accuse un retard cumulé dans la production des états financiers. Il viole la modalité de tenue des Conseils d’administration en utilisant parfois la consultation à domicile. Ses charges de personnel représentent 77,25%  du produit net bancaire (ce qui est énorme). Sa rentabilité est donc structurellement déficitaire, son modèle économique présente en effet des limites et la faible relation CFC-MAETUR- SIC ne joue pas à son avantage.

En 2020, bien que le Chantier Naval et Industriel du Cameroun (CNIC) ait renouvelé les membres de ses  organes sociaux ou dispose d’outils de gouvernance, on observe des retard dans l’arrêt des comptes qui restent hors délais depuis trois exercices. Chose exceptionnelle cette entreprise recoure régulièrement à une ordonnance du juge pour proroger le délai de la tenue de l’assemblée générale pour approuver ses comptes.

En 2020, Pamol Plantations Plc (PPPlc) est fortement déficitaire en raison de la crise sécuritaire dans le NOSO. Les sessions du Conseil d’administration se tiennent hors délais légaux. Il apparaît également une augmentation de la dette fournisseurs, la dette financière et la dette sociale. La survie de cette entreprise est malheureusement tributaire de la crise dans le NOSO.

Au regard de ce qui précède, il apparait que la qualité des ressources humaines qui déteint sur la gouvernance et sur le fonctionnement des organes sociaux est le principal levier de la performance des entreprises publiques. Si ce résultat paraît trivial, il a au moins le mérite de tirer la sonnette d’alarme pour les 21 entreprises qui stagnent et les 6 entreprises qui ont régressé. Il est en effet urgent de s’intéresser à la qualité des dirigeants et des membres des organes sociaux. Celle-ci concerne la conformité à la loi (le respect des mandats, respect des délais pour la tenue des sessions du Conseil d’administration et de l’Assemblée Générale, disponibilité et effectivité des outils de gouvernance), la qualité du travail accompli (production et validation des comptes) et la maitrise des ratios prudentiels de gestion.

Par déduction, on pourrait alors affirmer que la plupart des entreprises publiques (80%) ont besoin de renforcement de capacités en gestion (pour celles qui ont au moins des préalables) et/ou du recrutement des personnes disposant des compétences en gestion. La gestion d’une entreprise relève d’un métier ! Bien qu’il s’agisse d’une décision politique (discrétion dans la désignation des membres des organes sociaux), la destruction de la richesse est un délit qui coûte cher à la République. Il est urgent d’arrêter la saignée.

Source – ivianeondouabiwole.com

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