Avec la crise économique mondiale et les risques d’insécurité alimentaire, une action au niveau du commerce international semble inéluctable. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) est appelée à agir. Explications.
« Nous devrions nous rappeler que nous n’avons pas besoin d’attendre une Conférence Ministérielle pour obtenir des résultats. D’ici à la CM13, prévue fin 2023, beaucoup de travail devrait être accompli ». C’est avec ces mots que Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’OMC, s’est exprimée devant le Conseil général de l’organisation, en invitant les pays membres à poursuivre les efforts visant à faire avancer le programme adopté lors de la 12e Conférence Ministérielle (CM12), qui s’est achevée par des « résultats positifs ».
Le 17 juin 2022, les 164 Etats membres de l’OMC avaient lancé, après cinq jours de négociations ardues, un ensemble d’initiatives commerciales appelées « paquet de Genève » : déclaration ministérielle sur le commerce et la sécurité alimentaire, levée temporaire des brevets des vaccins anti-Covid, accord sur les subventions à la pêche et exemption des restrictions à l’exportation pour les produits alimentaires achetés par le Programme Alimentaire Mondial (PAM). L’OMC a vu le jour en 1995 après la dissolution du GATT (l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) créé en 1948 après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, l’organisation compte 164 membres, qui représentent 98 % du commerce mondial. La Conférence ministérielle est l’organe de décision suprême de l’OMC qui se réunit une fois tous les deux ans. La CM12 s’est tenue cette année après 5 ans de rupture. Elle devait initialement avoir lieu en juin 2020 au Kazakhstan, mais a été reportée après l’apparition des premiers cas du Covid-19 fin 2019. En avril 2021, la conférence a été reportée une deuxième fois en raison de l’apparition du variant Omicron.
Désintégration de l’économie mondiale ?
Selon Daniel Pruzin, porte-parole de l’OMC, la CM12 « marque un tournant dans l’histoire de l’organisation », parce qu’elle est parvenue à des résultats ambitieux dans le domaine du commerce au moment où l’économie mondiale est confrontée à des problèmes multiples allant de la pandémie de Covid-19 à la guerre en Ukraine en passant par la récession, le climat et une crise alimentaire sans précédent. Selon les prévisions de l’OMC, le volume du commerce mondial devrait largement ralentir en 2023 avec une augmentation limitée à 1 %. De même, la liste des pays qui ont mis en place des restrictions commerciales sur les produits alimentaires ne cesse de s’allonger depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. « Il existe un risque de fragmentation, de découplage commercial. Le coût pour l’économie mondiale risque d’être très élevé », a averti la directrice générale de l’organisation, Ngozi Okonjo-Iweala. « Il est impératif de coopérer sur le commerce et non de s’en éloigner », souligne pour sa part Daniel Pruzin, porte-parole de l’OMC.
La CM12 s’est tenue alors que l’OMC traverse une crise de légitimité depuis quelques années. Ses règles n’ont pas été modernisées depuis sa création en 1995 pour s’adapter aux nouveaux défis mondiaux. Alors que son système de règlement des différends est hors service depuis 2019. C’est pourquoi des voix s’élèvent au sein même de l’organisation réclamant une réforme urgente de ses trois fonctions : les négociations, le système de règlement des différends et le suivi des politiques commerciales.
Les priorités de la CM13
De la CM12 à la CM13, la sécurité alimentaire est au centre des discussions. La principale question est de savoir comment lutter contre l’insécurité alimentaire ? Selon un responsable de l’OMC, « les négociations autour de cette question étaient compliquées lors de la CM12. Les pays membres ont convenu de trouver une solution avant la tenue de la CM13 ». La sécurité alimentaire et les programmes agricoles sont étroitement liés. C’est pourquoi, la réforme des règles de l’OMC relatives au commerce des produits agricoles est devenue une nécessité urgente. « Il est de plus en plus clair que les règles de l’OMC n’ont pas suivi le rythme des défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, ni de l’évolution des marchés mondiaux. Elles doivent être actualisées pour nous aider à relever les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui et demain », a déclaré Ngozi Okonjo-Iweala, en appelant les pays membres à étudier « une nouvelle approche des négociations sur l’agriculture afin de surmonter les divergences profondes qui ont empêché les négociations de progresser ». Commencées au début de l’année 2000, les négociations sur le commerce des produits agricoles sont toujours dans l’impasse. Selon des analystes, éclaircir les règles sur les restrictions et les interdictions en matière d’exportation pourrait être un bon point de départ pour obtenir de bons résultats en matière de sécurité alimentaire à la prochaine Conférence ministérielle de l’OMC.
Commerce, agriculture et sécurité alimentaire
Entre le commerce et l’agriculture ou le commerce et la sécurité alimentaire, les liens sont indissociables. C’est dans ce contexte que l’Egypte a présenté au nom des groupes arabe et africain et des PMA (les Pays les Moins Avancés) un projet de résolution à l’OMC appelant à examiner la question de l’insécurité alimentaire au regard de la situation actuelle, et à établir de toute urgence un programme de travail visant spécifiquement à renforcer la résilience des Pays en Développement Importateurs Nets de Produits Alimentaires (PDINPA) et les Pays les Moins Avancés (PMA) pour faire face à l’insécurité alimentaire. « La question qui se pose à présent est de savoir comment l’accord agricole peut résoudre la crise alimentaire dans ces pays qui souffrent d’un écart significatif entre la production domestique et la consommation.
Ils importent des produits alimentaires stratégiques comme le blé, le maïs, le sucre, la viande, le riz, le soja et les huiles. Cependant, lors des débats sur la crise alimentaire, nous avons constaté que le document relatif à cette question offrait seulement des solutions basées sur le commerce sans mentionner la nécessité de promouvoir la production locale », souligne Dr Ahmed Maghawry Diab, ministre délégué et directeur du bureau de représentation commerciale égyptien à l’Onu et à l’OMC, dans son entretien à l’Hebdo (voir Entretien page 5). « L’Egypte a soumis à l’OMC un projet de résolution pour faire face au défi de la sécurité alimentaire dans les pays en développement. Nous avons demandé à ce que l’Egypte et les pays qui se trouvent dans la même situation soient exonérés de leurs engagements relatifs à l’accord agricole. Ce que nous voulons, ce sont des outils politiques qui permettent à l’Egypte de libérer sa capacité productive. Même si l’Egypte a signé les accords de libération du commerce, il faut prendre en considération le fait que c’est une période de crise », souligne Maghawry, avant d’ajouter: « Pour aider les Pays importateurs nets de produits alimentaires nous avons proposé un programme de travail basé sur quatre axes, qui dépendent à leur tour de deux éléments principaux, à savoir la disponibilité et l’abordabilité ».
Finaliser l’accord sur les subventions à la pêche
La 12e Conférence Ministérielle (CM12) a adopté un accord visant à interdire une partie des subventions à la pêche, cause principale de l’épuisement général des stocks de poissons dans le monde. Cet accord était en négociation depuis plus de 20 ans. Cependant, pour entrer en vigueur, il doit être ratifié par 109 Etats, soit les 2/3 des membres. Cet accord oblige les pays membres à reconsidérer à la fois la légalité et la durabilité des politiques de subvention du secteur de la pêche. L’accord sera déclaré invalide si dans les quatre ans, qui suivent sa ratification, un accord complémentaire n’est pas trouvé sur les subventions. « Ce sont des règles nouvelles et contraignantes », souligne Tristan Irschlinger, conseiller politique en subventions durables pour le commerce et la pêche à l’Institut national pour la soutenabilité et le développement, qui estime « qu’un accord final est possible dans un horizon de trois ans ».
Réforme de l’OMC : Règles et structures
La réforme de l’OMC est devenue une nécessité urgente pour rétablir l’efficacité et la crédibilité de l’organisation et adapter ses règles à la nouvelle réalité économique et commerciale. Le système de règlement des différends constitue la partie la plus difficile de la réforme. Les membres de l’OMC ont convenu dans le document final de la 12e Conférence ministérielle d’entreprendre « un examen complet des fonctions de l’organisation pour qu’elle soit en mesure de répondre plus efficacement aux défis du système commercial multilatéral ». Ils ont également convenu de mener des discussions sur les préoccupations relatives au système de règlement des différends de l’OMC « en vue de disposer d’un système pleinement opérationnel et qui fonctionne bien, accessible à tous les membres, pour 2024 ».
Al-Ahram Hebdo dans les coulisses de l’OMC
L’OMC a accueilli, du 28 novembre au 2 décembre, 14 journalistes africains francophones, dont Al-Ahram Hebdo pour participer au séminaire sur « les questions du commerce international au lendemain de la CM12 ». Au cours de cet événement de cinq jours, divers intervenants, dont de hauts responsables de l’OMC, et des ambassadeurs, ont exposé les principaux problèmes auxquels sont confrontés l’OMC et le commerce mondial.
Source: hebdo al ahram
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