RH – Les managers toxiques, on les déteste, ils prolifèrent. Mais pourquoi donc ?

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Une psychologue a tenté de comprendre pourquoi les petits chefs occupent encore le haut de la pyramide. Il se pourrait bien que ce soit notre vision de la réussite qui soit au cœur du problème.

Les mauvais managers ont fait couler beaucoup de pixels ces dernières années. Probablement parce qu’ils pourrissent la vie de – beaucoup – de monde. Et qu’ils sont parfois très médiatiques. De nombreux chercheurs ont donc planché sur le sujet pour tenter de percer ce mystère. Une étude récente, par exemple, a observé les conséquences désastreuses d’un management toxique sur les organisations aux États-Unis, une autre les effets tout aussi néfastes sur la santé mentale des employés. Nous avons même demandé récemment à Julie Battilana, Chercheuse et enseignante à Harvard, si l’on pouvait prendre le pouvoir sans en abuser (réponse : it’s complicated). Comment, après toutes ces années à les étudier, peut-on encore laisser ces tyrans grimper les échelons des organisations, et surtout, pourquoi y en a-t-il encore autant ?

Leadership dysfonctionnel

« Les leaders toxiques n’avancent pas dans leur carrière malgré leur comportement problématique. Ils réussissent grâce à lui » . Cette phrase, c’est la psychologue des organisations Mary-Clare Race qui la prononce. Depuis ses études, elle s’est spécialisée dans les troubles de la personnalité au travail. Elle est aujourd’hui directrice de l’innovation et des produits chez LHH, une société RH qui emploie 8 000 personnes dans le monde.

Selon elle, le problème du leadership dysfonctionnel émane à la fois de la façon dont notre société perçoit la progression de carrière et de la façon dont les entreprises soutiennent ces personnes une fois qu’elles sont sur la voie du leadership. Bref, nous valorisons le fait de diriger des personnes comme un facteur de réussite sociale. Mieux (ou pire), nous encourageons ces comportements au sein des sociétés.

Prise de risques

L’intérêt de la psychologue pour les entreprises toxiques a commencé lors de son doctorat à la University College de Londres. Elle s’est d’abord focalisée sur les grosses institutions financières. « Beaucoup d’entre elles savaient qu’elles avaient un problème de comportement toxique sur le lieu de travail et de leadership dysfonctionnel, mais elles ne voulaient pas toujours que quelqu’un vienne et lève le voile sur ce problème, car elles auraient alors à y faire face. » Édifiant.

Elle a pu observer dans ces grosses boîtes, puis dans d’autres, que les personnes promues managers « se sentent plus disposées à prendre des risques ». On pourrait comprendre à la limite que cette position inconfortable et risquée justifie un avancement. Mais la psychologue précise que leur capacité à prendre des décisions peut entraîner des conséquences potentiellement négatives pour les autres. Une incidence loin de leurs préoccupations, si elle se traduit par de bons résultats pour l’entreprise – du moins à court terme.

Tu seras manager mon fils, ma fille

Outre la prise de risque excessive, récompensée au sein des entreprises par une promotion, c’est la nature même de la promotion que la psychologue remet en cause. Si un employé obtient d’excellents résultats, l’entreprise le récompense par l’encadrement de plusieurs personnes. À la clé, un meilleur salaire et un niveau social plus élevé. Sauf que cette même personne n’est peut-être pas faite pour encadrer d’autres personnes. « Certains individus brillants devraient pouvoir continuer à faire ce qu’ils font bien, et être récompensés comme il se doit, sans avoir à assumer la tâche très différente de la responsabilité de la carrière ou du bien-être des autres », avance Mme Race. « Les qualités qui font d’une personne un excellent chirurgien du cœur ne font pas d’elle une bonne personne pour manager ». Pire, ils peuvent même s’avérer être maltraitants. Excepté que c’est la seule manière pour les entreprises de récompenser leurs employés ou des les voir avancer…

Et Mary-Clare Race de conclure : « Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir une voie d’accès au sommet d’une carrière qui n’implique pas de gérer d’autres personnes ?  ». Vous avez 4 h.

Source : Quartz

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