En 2020, la crise sanitaire liée au Covid-19 a révélé au grand jour les lacunes du continent en matière de transformation numérique et la nécessité d’y remédier. Malgré des progrès tels que l’extension spatiale des réseaux, le continent est à la traîne dans ce domaine et reste au centre de guerres d’influence technologique et géopolitique entre Occidentaux et Asiatiques.
Bras de fer
Bien que les données fiables soient rares, on estime que 70 % de l’infrastructure 4G africaine est reliée à la technologie Huawei. Il semble dès lors plus avantageux pour les pays africains de bâtir l’infrastructure 5G sur celle de cette 4G déjà existante – ce qui, de fait, consolide leurs liens avec le groupe chinois. Mais les sanctions prises par l’ancien président américain Donald Trump à l’égard de Huawei a mis un frein aux plans de plusieurs grands fournisseurs internet à travers le continent africain.
À titre d’exemple, Safaricom, la plus grande compagnie de télécommunication d’Afrique de l’Est, a annoncé début janvier qu’elle suspendait le déploiement de la 5G au Kenya, arguant d’un changement de stratégie. De grandes entreprises de télécommunications africaines ayant des liens financiers avec des pays occidentaux comme le Royaume-Uni ont également cherché à diversifier leurs partenariats.
Si Biden poursuit le bras de fer engagé par Trump avec la Chine, l’Afrique va continuer à en pâtir
Si Huawei reste aujourd’hui premier sur le continent, la pression internationale que le groupe subit et ses effets sur la vitesse de conversion des pays africains à la 5G ont conduit certains dirigeants à réagir ouvertement. C’est le cas du président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui s’est clairement inquiété du fait que l’économie de son pays soit freinée par la lutte entre les États-Unis et la Chine. Si l’administration Biden devait poursuivre le bras de fer engagé par Trump, les pays africains continueraient à en pâtir.
En quête d’alliances
Et en matière de transformation numérique, les infrastructures physiques ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. L’utilisation des données et les normes sont tout aussi capitales. L’Union européenne l’a tant et si bien compris que la « souveraineté numérique » est pour elle un sujet majeur, avec un triple questionnement : qui fabrique les matériels et construit l’infrastructure ? Qui contrôle les données, au regard de la montée en puissance des objets et de l’intelligence artificielle (IA) ? Qui établit les normes ?
Pour reprendre les termes du Conseil européen pour les relations internationales : « Les arbitres ne gagnent pas la partie ». L’UE a compris qu’elle devait fixer les règles.
L’Afrique peut se faire entendre dans le débat mondial. Si ses dirigeants comprennent l’importance de l’enjeu
Dans cette perspective, elle voit en Joe Biden un allié potentiel. Au printemps 2020, évoquant les technologies 5G et l’IA, le nouveau locataire de la Maison-Blanche avait plaidé pour une alliance plus forte entre les États-Unis et ses « alliés démocratiques » pour éviter que « les règles de l’ère numérique [soient] écrites par la Chine et la Russie ». Peu de temps après son élection, l’UE a proposé la création d’un « Conseil commercial et technologique UE-États-Unis » pour contrer la montée en puissance de la Chine dans le domaine du numérique.
Depuis un certain temps déjà, l’UE lorgne aussi vers le Sud, vers l’Afrique notamment. Les tentatives pour bâtir une « alliance numérique » avec le continent font partie de sa stratégie, pour « le développement des normes numériques et leur promotion au niveau international » au sein d’un « nouveau partenariat pour l’économie numérique Afrique-Europe ».
Voix africaine
La Chine a également rejoint la course au contrôle de l’économie numérique en annonçant une « initiative mondiale de sécurité des données » en septembre 2020. Les détails n’ont pas été rendus publics, mais celle-ci vise à fixer les règles au niveau multilatéral. Le choix de ces standards dictera le choix de l’infrastructure, y compris l’infrastructure de téléphonie, et même l’offre des téléphones portables disponibles sur le marché africain.
Aussi, les lois régissant l’usage des données numériques devront protéger la population, les processus politiques. Elles devront aussi être ancrées au sein du projet économique dans lequel le continent s’est lancé : la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) et, surtout, son protocole relatif au commerce électronique.
L’articulation d’une politique de transformation numérique qui regroupe les trois piliers (standards, infrastructure et gestion de données) est primordiale. Les pays africains doivent faire des choix prenant effectivement en compte leurs intérêts. Cela suppose de trouver le juste équilibre entre l’accessibilité financière à la technologie, les critères de qualité et les règles de gouvernance d’internet. L’action et l’articulation d’une voix africaine dans le débat mondial est encore possible. À condition que les dirigeants comprennent l’importance de l’enjeu.
Source: jeuneafrique.com
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