L’euro frôle la parité avec le dollar : pourquoi et avec quelles conséquences ?
L’euro se rapproche pour la première fois depuis 2002 de la parité avec le dollar. Un euro vaut ainsi pour l’instant moins de 1,01 dollar. Une dépréciation qui s’accompagne d’inflation, d’importations plus chères, et d’une perte d’attractivité pour la zone, mais qui pourrait bientôt être modérée par les décisions de la Banque centrale européenne.
Une première depuis 2002. Ce vendredi 8 juillet, l’euro est passé sous 1,01 dollar : la monnaie se rapproche donc de la parité avec le dollar. Au printemps dernier, il valait pourtant autour de 1,2 dollar. L’euro a ainsi perdu 13,2% sur un an. Une telle dépréciation inquiète les marchés et les investisseurs.
Stéphanie Villers, économiste spécialiste de la zone euro, nuance tout d’abord le phénomène. « L’euro est en train de se dégrader face au dollar, pas face à l’ensemble des autres monnaies. Ce n’est pas tant que l’euro plonge, c’est surtout que le dollar se renforce, et que l’économie américaine se montre plus robuste. Par rapport, notamment, aux chocs liés à la guerre en Ukraine ».
Comment expliquer cette dépréciation ?
La dépréciation découle notamment des décisions américaines. « L’inflation a été plus forte aux États-Unis, du fait notamment des politiques budgétaires menées par Joe Biden. Ses plans de relance massifs ont stimulé la hausse des prix de manière plus brutale, ainsi que la hausse des salaires. Donc la Federal Reserve, pour éviter cette inflation galopante, a dû augmenter plus rapidement ses taux d’intérêt », développe Stéphanie Villers.
« Et elle a été assez claire là dessus : elle va continuer à les augmenter tant qu’elle considérera que l’inflation est trop importante. Ça va de toute manière soutenir le dollar sur le moyen terme, même si la croissance américaine s’affaiblit cette année, après la perte de pouvoir d’achat des ménages ».
Des importations plus chères et une zone moins attractive
Les États-Unis ont aussi été moins touchés par les conséquences de la guerre en Ukraine. Au contraire, la zone euro, dépendante des importations de gaz et de pétrole, a été directement affectée par la hausse des prix. « Notre facture énergétique s’est emballée. C’est ce qu’on appelle l’inflation importée, puisque les prix des matières premières, devenus plus élevés, sont facturés en dollars », précise l’économiste. Plus une monnaie est dépréciée, plus les coûts d’importation sont élevés. C’est d’ailleurs cette facture énergétique, libellée en dollars, qui risque de peser le plus sur le déficit commercial européen.
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Par ailleurs, avec une monnaie plus faible, la zone euro devient moins attractive pour les investisseurs, alors que les États-Unis sont considérés comme plus stables.
Des situations particulières ont pu amplifier la dépréciation de l’euro, même si elles n’en sont pas à l’origine. Par exemple, la balance commerciale allemande est devenue déficitaire pour la première fois depuis la réunification, ce qui adresse « un signal de faiblesse de la première puissance économique de la zone euro ».
Pour l’instant, cela signifie que toutes les transactions en dollar vont s’avérer plus chères pour la zone euro. Stéphanie Villers pointe un rare effet positif pour l’économie européenne : « Il y a un facteur plutôt porteur. La dévaluation arrive pendant une période d’été, donc ça a tendance à stimuler le tourisme en provenance des États-Unis. Les Américains sont incités à venir dépenser davantage, en particulier en France. Mais ça ne va pas non plus tout compenser ».
(Re)voir : Union européenne : la course à l’indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie
Décisions à venir de la BCE
L’impact de ce type de dépréciation est nuancé par les échanges au sein même de la zone euro : « Les trois premiers clients en France sont les Allemands, les Italiens et les Belges. Donc, que l’euro soit faible ou fort, ça ne joue pas là-dessus ».
Surtout, Stéphanie Villers s’attend à ce que la situation se rétablisse prochainement, après que la Banque Centrale Européenne augmente ses propres taux. « Je pense que la politique monétaire de la BCE, une fois réajustée pour être plus en phase avec la Fed, sera assez efficace pour permettre à l’euro de se stabiliser, reprendre et s’apprécier peu à peu. Cela permettrait un meilleur équilibre entre l’économie américaine et l’économie européenne ». Cela risque toutefois de prendre un peu de temps.
Pour l’instant, la BCE s’est abstenue de le faire. En effet, une hausse trop brusque des taux d’intérêt peut nuire à la croissance : lorsqu’une banque centrale augmente ces taux, cela coûte plus cher d’emprunter, ce qui décourage les emprunteurs et les investissements. Il s’agit donc de trouver « le bon dosage ».
Même pour les États-Unis, une sur-appréciation du dollar par rapport à l’euro ne serait pas forcément une bonne nouvelle. « Ça ne joue pas en faveur de leur compétitivité. Par exemple, ce qu’on achète aux États-Unis, libellé en dollars, va nous coûter plus cher. Donc on aura peut-être moins envie d’acheter certains produits américains », résume Stéphanie Villers.
Source : BBC
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