La pandémie de Covid-19 n’a pas seulement engorgé nos hôpitaux. Elle a aussi mis en surchauffe tous les livreurs de France et de Navarre. Les chiffres sont sans appel : le poids lourd Amazon a vu son chiffre d’affaires bondir de 40% au second trimestre, et son dauphin français Cdiscount a connu la même croissance de mars à mai. Quant aux enseignes traditionnelles, elles ont tout misé sur leurs boutiques en ligne, tandis que les drives des supermarchés tournaient à plein régime. Qu’on s’en réjouisse où qu’on le déplore, un basculement irrémédiable a eu lieu à la faveur de cette crise sanitaire.
Le commerce en ligne, qui progressait déjà au rythme de 1% par an dans la consommation totale des Français, affichera cette année une croissance deux à trois fois supérieure. «Il représentera probablement entre 13 et 14% des ventes de produits en 2020, contre 10% l’an dernier», prévoit Marc Lolivier, directeur général de la Fevad, l’organisme représentant les principaux sites. «Une partie de la population qui était réfractaire à l’e-commerce s’est convertie», abonde Laurent Thoumine, chargé du secteur chez Accenture. Selon Kantar, de mars à mai, 2,6 millions de Français ont acheté pour la première fois un vêtement en ligne.
Dans ce contexte, les grandes enseignes opèrent des changements brutaux, à l’image de l’espagnol Inditex (Zara), qui a annoncé son intention de fermer un millier de boutiques dans le monde en deux ans, tout en misant 2,7 milliards d’euros sur la vente par Internet. Banalisé, démocratisé, le modèle de l’e-commerce est-il pour autant arrivé à l’âge de raison ? Notre enquête montre que cette expansion ressemble parfois au Far West, attirant des opportunistes sans scrupule.
La marchandise, d’abord, laisse souvent à désirer, qu’il s’agisse de produits ne respectant pas les normes européennes ou de contrefaçons. Car dans les faits, les sites de vente en ligne ne maîtrisent qu’en partie leur offre. C’est le principe de la place de marché, ou marketplace : Amazon et autres grands du Web laissent n’importe quelle entreprise s’inscrire en quelques clics pour écouler ses produits à des millions de clients. Chez le leader américain, cette galerie commerciale représente 58% des produits vendus. Chez Cdiscount, c’est 40% du volume d’affaires réalisé. Qui profite en premier de cet essor ? On savait que les grossistes asiatiques s’étaient massivement engouffrés dans cette porte grande ouverte vers le marché européen. Nos relevés montrent l’ampleur de ce phénomène : plus de la moitié des vendeurs de best-sellers sur Amazon.fr sont des sociétés chinoises. En plus d’importer directement des produits défectueux, ces marchands sont aussi très prompts à «oublier» de facturer la TVA. Cette fraude massive aurait jusqu’ici coûté 1 milliard d’euros par an à la France…
Royaume de la vente flash éphémère, du prix ultra-élastique, de la livraison hypothétique, le commerce en ligne permet toutes sortes d’abus. Dans l’ombre des grands sites ayant pignon sur rue, de nombreuses petites arnaques pullulent. La dernière à la mode ? La boutique prétendant liquider son stock pour cause de fermeture post-Covid. Derrière ces fausses bonnes affaires se cachent des cas de dropshipping : des vendeurs écoulent des produits directement importés sans en gérer les stocks. Ces intermédiaires se contentent de poser une couche de vernis marketing et d’empocher leur marge plantureuse au passage. Notre guide permet de s’y retrouver dans ce maquis.
Chantier permanent pour les agents de l’Etat, de l’Inspection des finances à la DGCCRF (répression des fraudes) en passant par les Douanes, le développement fulgurant du commerce en ligne est aussi un sujet chaud pour les collectivités. Bien conscientes que le secteur a créé 200.000 emplois directs en France (chiffre Fevad), et sans savoir combien il en a détruit, beaucoup se retrouvent devant un dilemme : accueillir ou non un entrepôt Amazon. Le bétonnage des terres, la fragilisation du commerce local, le bilan carbone pas toujours fameux de la livraison à domicile : les critères environnementaux pèsent aussi dans la décision. Faut-il étendre aux entrepôts géants le moratoire sur la construction de nouveaux centres commerciaux prévu par le gouvernement ? Aux Etats-Unis, les malls, aujourd’hui désertés, commencent à être convertis en bases logistiques. On ne trouvera pas meilleur symbole de la mutation en cours.
Source: Capital.fr
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