Banque – Faillite de Silicon Valley Bank : que s’est-il passé ?

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La banque préférée des start-up américaines gérait jusqu’alors près de 210 milliards de dollars d’actifs.

 

Coup de tonnerre dans l’Ouest américain. La Silicon Valley Bank (SVB), banque américaine spécialisée dans le capital-risque, a été fermée administrativement le 10 mars 2023 par la Federal Deposit Insurance Corp (FDIC). L’Agence chargée de la garantie des dépôts a pris cette décision alors que 42 milliards de dollars ont été retirés en moins de 24 heures, provoquant l’effondrement de la banque.

Cette faillite est considérée comme la plus importante depuis celle de Lehman Brothers lors de la crise des subprimes en 2008. Elle s’explique par une suite d’événements associés à de mauvais choix. Retour sur les faits qui ont conduit à la chute de la banque préférée des start-up américaines.

Une succession d’erreurs porte le coup de grâce à SVB

Au sein de la Silicon Valley, SVB est la banque incontournable. Depuis la fin des années 90, les start-up font appel à cette institution bancaire afin de les accompagner dans leur croissance. La Silicon Valley Bank abrite de gros clients et finance leur capital-risque. En décembre 2022, elle avait près de 175 milliards de dollars déposés par 35 000 clients. Avec 210 milliards de dollars d’actifs, elle était la seizième banque américaine. Au début du mois de mars 2023, Forbes présentait même l’établissement comme l’une des meilleures banques américaines.

Pour comprendre ce qui a causé la chute de SVB, il faut se pencher sur les bons du Trésor. Il s’agit de titres générés par l’État. Ce dernier emprunte de l’argent à une banque et la dette est garantie par les finances du pays qui assure un remboursement sur le long terme. Durant la précédente décennie, le contexte économique était plutôt favorable, l’inflation proche de 0 %, tout comme les taux d’intérêt. Cela a permis à SVB de récupérer l’argent qu’elle avait prêté sans trop de problèmes, voire d’en gagner un peu au passage.

Gourmande, SVB qui a voulu couvrir ses arrières. La banque achète alors des créances hypothécaires à un taux de 1,5 % afin de toucher encore plus d’argent. Un pourcentage qui semble plus que correct pour l’époque au vu des taux d’intérêt très bas. Cette stratégie a continué à être utilisée durant la pandémie de Covid-19, période où tous les taux avaient été gelés. Des créances hypothécaires ont alors été acquises à tour de bras, pour un montant de 80 milliards de dollars.

La stratégie semblait infaillible, mais les dirigeants de la Silicon Valley Bank n’ont pas vu la montagne qui se dressait devant eux. En 2022, le Covid-19 semble être passé et la guerre en Ukraine favorise l’inflation. Les banques centrales, dont la Fed, sont obligées d’augmenter les taux pour essayer de limiter le phénomène. Le piège se referme sur SVB qui voit la valeur des bons du Trésor baisser d’environ 15 %.

Une gestion qui suscite de vives interrogations

Inquiète, l’institution bancaire tente de vendre ses placements à 1,5 %, mais la Fed fait la même chose avec un taux plus intéressant : à 4,5 %. Le nombre d’investissements dans les start-up ayant chuté ces derniers mois, elles ont du mal à trouver des fonds, et récupèrent une partie voire la totalité de leurs liquidités pour survivre, continuer à se développer, ou pour l’investir dans de meilleurs placements.

Face à ce grand nombre de retraits, SVB décide de liquider une partie de ses bons du Trésor, à hauteur de 21 milliards de dollars, générant une perte de 1,8 milliard de dollars. Une vente massive qui effraie le marché financier. En apprenant cette perte, les clients de la banque ont paniqué. Plusieurs centaines d’entre eux ont tenté les 9 et 10 mars 2023 de retirer l’argent de leurs comptes, ce qui a provoqué la faillite de la banque. Une augmentation de capital de 2,2 milliards de dollars était prévue afin de sauver SVB, mais cela n‘aboutira pas. En cause, son cours en bourse qui a chuté de 60 % le 9 mars. Baisse qui s’est poursuivie au matin du 10 mars, avec une nouvelle diminution de 60 %.

Le cours de la Bourse de la Silicon Valley Bank.

En moins de 24 heures, l’action est passée d’un peu moins de 300 dollars à 106 dollars, soit une chute de près de 200 %. Capture d’écran : Google.

Face à la situation, la FDIC a décidé de fermer la Silicon Valley Bank et de transférer la totalité de ses dépôts dans une nouvelle entité : La Deposit Insurance National Bank of Santa Clara, expressément créée pour l’occasion. La chute de SVB a provoqué un mouvement de baisse générale des valeurs bancaires. En Europe, et plus précisément à la Bourse de Paris, BNP Paribas et la Société Générale ont perdu respectivement 4 % et 4,7 %.

Le management des dirigeants de SVB, ignorant le risque de taux et de durée, suscite des interrogations. Tout d’abord, sur la gestion du risque de duration, correspondant à la durée de vie moyenne d’un flux financier. Pour certains spécialistes, ce type de stratégie n’était tout simplement pas viable sur le long terme. Ensuite, la liquidation des bons du Trésor est critiquée, puisqu’elle a suscité une panique inutile. Enfin, les agissements du PDG de la banque, Greg Becker, attisent les soupçons. Fin février, le dirigeant a vendu des actions de sa société pour 3,6 millions de dollars.

Que va-t-il se passer pour la Silicon Valley Bank et ses clients ?

Aux États-Unis, la chute de Lehman Brothers est dans toutes les têtes. La faillite de cette banque d’investissement avait précipité le monde dans une crise économique à la fin de l’année 2007. Pour éviter de revivre une situation équivalente, les autorités américaines, à savoir la Fed, la FDIC, accompagnées par Janet Yellen, secrétaire au Trésor ont annoncé le 12 mars 2023 une série de mesures visant à protéger les clients de SVB et rassurer les marchés financiers.

L’ancienne présidente de la Fed, qui surveille de très près la faillite de SVB, a d’ailleurs fait la comparaison avec la précédente crise. « Pendant la crise financière de 2008, il y a eu des investisseurs et des propriétaires de grandes banques systémiques qui ont été renfloués. Les réformes qui ont été mises en place signifient que nous n’allons pas recommencer, » affirme la secrétaire au Trésor. « Nous sommes préoccupés par les déposants et nous nous efforçons de répondre à leurs besoins, » a-t-elle ajouté.

Tout d’abord, la FDIC a garanti aux clients de la banque qu’ils pourraient avoir accès à leurs liquidités dès le 13 mars 2023. Ensuite, tous les clients la SVB verront leurs dépôts garantis, même s’ils dépassent la limite de 250 000 dollars qui est généralement de mise dans cette situation. Une mesure que bon nombre ont préconisée, notamment l’économiste Lawrence H. Summers, ancien secrétaire au Trésor sous la présidence de Bill Clinton, sur Twitter.

 

De son côté, la Fed va mettre 25 milliards de dollars sur la table. Cette ligne de crédit va permettre de financer les entités en difficulté qui pourraient être en pleine panique bancaire. À titre d’exemple, Roku, l’entreprise spécialisée dans la vente d’appareils permettant la diffusion de contenu en streaming, avait déposé 487 millions de dollars chez SVB, soit 25 % de ses liquidités. Le risque de faillite en chaîne chez les start-up est réel, les autorités américaines souhaitent l’éviter.

Pour l’heure, les États-Unis n’injecteront pas d’argent public pour combler la dette de la banque. Si la solution est pour l’instant écartée, elle n’est pas exclue à moyen terme. Durant la crise de 2008 les autorités américaines avaient été obligées d’injecter des centaines de milliards de dollars dans de nombreuses entreprises en difficulté.

Source – siècledigital

 

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