Pour faire face à la crise sanitaire, les banques africaines ont accéléré le développement de leurs services en ligne. Ce mouvement offre de nombreuses opportunités, mais impose aussi beaucoup de défis.
Selon une étude publiée en 2020, 96 % des banques africaines perçoivent la transformation digitale comme l’un des facteurs-clés de leur politique de croissance. « Cette tendance s’est accélérée avec la crise de la Covid-19 », estime d’ailleurs Léonce Yacé, Directeur général de NSIA Banque Côte d’Ivoire, pour FinancialAfrik. Dans le même temps, la transformation numérique s’affirme aussi comme un levier de bancarisation et d’inclusivité, sur lequel les banques africaines capitalisent de plus en plus.
Numériser pour renforcer la bancarisation
68 % des banques africaines prévoient d’accroître leurs dépenses dédiées à la transformation numérique dans les années à venir, selon les conclusions d’une étude African Banker, publiée en 2020. Un choix stratégique qui suit globalement les tendances mondiales d’une digitalisation à marche forcée des institutions bancaires. En Afrique, l’enjeu est d’autant plus important que la numérisation apparaît comme un outil précieux pour améliorer le taux de bancarisation, certes très hétérogène sur le continent, mais globalement très en-deçà des standards internationaux.
Selon les données de la Banque européenne d’investissement (BEI), 35 % des ménages disposaient d’un compte bancaire en 2017 en Afrique de l’Ouest, contre 40 % en Afrique du Nord ou encore 45 % en Afrique de l’Est. Seule l’Afrique australe tire son épingle du jeu avec plus de 50 % de sa population bancarisée. Encore loin, cependant, de la moyenne mondiale, où ce taux est de 60 %. Fin 2022, la moyenne du continent devrait s’établir à 48 % pour ne cesser de croître. Mais les marges de progression sont encore considérables et ces chiffres très largement perfectibles, à condition d’améliorer « l’accessibilité multicanale aux produits et services bancaires d’une grande part de la population », affirme Léonce Yacé. Une nécessité aussi pour les États africains, qui subissent les conséquences délétères de l’économie informelle — celle-ci pouvant atteindre jusqu’à 90 % du PIB — sur leurs recettes publiques.
Autre avantage éprouvé d’une numérisation des services bancaires : l’inclusion financière des populations, qui profitent d’une connectivité en hausse sur le continent et d’un accès plus fluide à internet. Une tendance notamment très visible au sein des classes d’âge les plus jeunes, qui sont aussi les plus traditionnellement déliées des services bancaires. Ce qui explique pourquoi les Nations-Unies recommandent chaudement aux banques africaines de déployer une stratégie de digitalisation de leurs services. Dans son rapport économique 2020, la Commission économique pour l’Afrique souligne ainsi que « la numérisation et l’innovation sont essentielles pour toucher une nouvelle clientèle ». En 2020 par exemple, seuls 17 % des Africains avaient souscrit un prêt à la consommation. Une part minime de la population qui pourrait aisément croître si chacun était doté d’un simple téléphone portable relié à un compte, dont la banque proposerait une digitalisation de son offre de services. « Lorsqu’on leur en donne la possibilité, les consommateurs préfèrent utiliser les services numériques et mobiles de transfert d’argent », soulignent d’ailleurs les experts de l’ONU. En bref, une approche de la banque plus rapide, plus simple et, bientôt, plus personnalisée grâce aux progrès de l’intelligence artificielle et du machine learning.
Concurrence des telco’s et effet catalyseur de la crise sanitaire
Si ce mouvement de numérisation est déjà bien entamé, les institutions bancaires africaines ont bien failli être dépassées à partir de la moitié des années 2010. Une période marquée par l’arrivée sur le marché des opérateurs télécoms et de leurs portefeuilles électroniques, comme Orange Money ou MTN Mobile Money, et leurs solutions entièrement numérisées de transferts de fonds ou d’ouverture de comptes rémunérés. Mais sur ce point, l’écosystème bancaire africain a pu compter sur un allié inattendu avec la crise de la COVID-19, qui a très largement rebattu les cartes du secteur et s’est avéré être un catalyseur d’innovations.
D’abord parce qu’il a permis d’acculturer et de familiariser massivement les clients, soumis à la fermeture des agences physiques et aux confinements successifs, aux pratiques numériques. Un processus qui s’est, selon James Mwangi, directeur général du groupe kényan Equity Bank, fait à une vitesse « sidérante ». Les engagements numériques d’Ecobank ont ainsi grimpé de 56 % pendant le premier semestre 2020. La banque marocaine BCP a quant à elle constaté une hausse de 20 % du trafic sur ses applications numériques. À l’Equity Bank du Kenya, les transactions numériques constituaient entre 60 et 70 % du volume global dans certaines catégories pendant la crise sanitaire. Ensuite, les banques ont été capables de prendre rapidement en main le potentiel de transformation de la crise sanitaire, 90 % d’entre elles affirmant que la pandémie a accéléré leur transformation interne et 70 % soulignant que la crise sanitaire leur a permis d’élargir leur gamme de services numériques proposée au client.
Systématisation des offres digitales
Dans le secteur bancaire, Ecobank est l’un des pionniers de la numérisation avec, dès juin 2016, l’annonce du lancement d’une plateforme numérique pour ses clients. Côté NSIA, un autre géant bancaire africain implanté dans cinq pays, « nous avons systématisé notre offre digitale » affirme, à Jeune Afrique, Jean Kacou Diagou, PDG du groupe. Les différentes filiales-pays du groupe ont en effet toutes déployé des plans de numérisation plus ou moins avancés. « Dans un futur très proche, nous allons lancer une nouvelle application mobile pour particuliers, qui aspire à réinventer l’expérience client autour du mobile », explique Léonce Yacé, Directeur général de NSIA Banque Côte d’Ivoire. « Nous avons d’ores et déjà mis en œuvre une nouvelle plateforme monétique qui permettra d’offrir de nouveaux services et produits à partir de nos guichets tels que les paiements de facture, les retraits sans carte, les recharges de carte prépayée, les virements de compte à compte, les dépôts en espèce et les dépôts en chèque », poursuit Léonce Yacé. Dans le même temps, les acteurs fintech européens se positionnent sur le marché africain, en proposant des plateformes clés en main de Banking-as-a-Service pour faciliter la numérisation des banques africaines.
Désormais, l’ouverture d’agences physiques n’est plus la seule preuve de réussite pour les institutions bancaires africaines, chez qui l’offre numérique s’affirme de plus en plus comme un facteur différenciant et un vecteur de croissance. Avec, à terme, la perspective possible d’une réduction des implantations physiques, comme le font les grandes banques occidentales.
Source: siècle digital
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