Alors que le calendrier économique mondial tourne ses pages vers la mi-2025, les projecteurs se braquent sur l’Afrique, un continent dont les perspectives continuent de susciter un intérêt mêlant optimisme et prudence. Les dernières projections du Fond Monétaire International (FMI), relayées par plusieurs plateformes d’information en ce début d’année, offrent un aperçu chiffré de la richesse et de la puissance économique des nations africaines, tout en soulignant les défis cruciaux qui conditionneront leur avenir.
L’exercice annuel de classement, s’il ne saisit qu’une partie de la complexité du développement, demeure un baromètre observé de près. En 2025, deux perspectives principales se dégagent des données du FMI : celle de la richesse par habitant, mesurée en parité de pouvoir d’achat (PIB-PPA par habitant), et celle de la taille globale des économies, évaluée par le Produit Intérieur Brut (PIB) nominal. Les sources consultées, datant de mars et avril 2025, permettent de dresser ces tableaux et d’en esquisser les tendances.
La Carte de la Richesse Individuelle : Le Top 10 du PIB-PPA par Habitant en 2025
Lorsqu’on parle de “richesse” d’un pays, il est crucial de s’arrêter sur la métrique utilisée. Le PIB par habitant, ajusté par la parité de pouvoir d’achat (PPA), est souvent considéré comme un indicateur plus pertinent des conditions de vie et du niveau de richesse disponible pour chaque individu, car il prend en compte l’inflation et les variations de coûts dans différents pays pour offrir une comparaison standardisée. Selon les dernières données du FMI pour 2025, ce classement révèle des positions dominantes pour des économies parfois plus petites en taille globale, mais affichant une richesse par habitant élevée.
Le podium 2025 de la richesse par habitant en Afrique est sans surprise dominé, comme c’est le cas depuis cinq ans, par les Seychelles, avec un PIB-PPA par habitant projeté à 43 070 dollars. L’économie de cet archipel repose principalement sur le tourisme, la pêche et les services financiers. Le gouvernement y aurait mis en œuvre des politiques axées sur le tourisme durable et la diversification pour assurer la croissance et la stabilité à long terme.
Juste derrière, on trouve l’Île Maurice, confirmant sa position de hub financier majeur en Afrique. Avec un PIB-PPA par habitant de 33 954 dollars, son économie est portée par les services financiers, le tourisme et l’industrie manufacturière. Les politiques gouvernementales mauriciennes viseraient à attirer les investissements internationaux et à améliorer les opportunités commerciales.
La troisième marche du podium est occupée par le Gabon. Avec un PIB-PPA par habitant estimé à 24 682 dollars en 2025, le pays maintient son statut de puissance économique continentale, largement grâce à ses abondantes ressources pétrolières. Toutefois, comme pour d’autres pays riches en ressources, le Gabon doit poursuivre ses efforts de diversification pour renforcer sa résilience économique. Des investissements dans des secteurs clés comme l’exploitation minière, l’agriculture et les infrastructures sont mentionnés comme des leviers utilisés. Le Gabon devance ainsi des économies majeures du continent dans ce classement par habitant.
Le reste du top 10 pour 2025, selon les données du FMI, s’établit comme suit:
- Égypte : 21 608 $
- Botswana : 20 311 $
- Guinée équatoriale : 20 477 $.
- Algérie : 18 342 $
- Libye : 17 597 $
- Afrique du Sud : 16 008 $
- Tunisie : 14 717 $
L’analyse de ce classement par PIB-PPA par habitant révèle que la richesse individuelle est souvent corrélée à la gestion de ressources naturelles (pétrole pour le Gabon, Guinée équatoriale, Algérie, Libye; diamants pour le Botswana) ou au développement de secteurs à forte valeur ajoutée comme le tourisme et les services financiers (Seychelles, Maurice). Les pays comme l’Égypte et le Botswana s’appuieraient sur une gestion prudente de leurs ressources et des politiques économiques axées sur le développement durable. Cependant, pour les pays riches en ressources, la forte dépendance aux exportations de matières premières comme le pétrole est un thème récurrent, avec des efforts nécessaires pour diversifier leurs économies afin de réduire cette vulnérabilité.
Il est important de noter que ce classement par PIB-PPA par habitant diffère considérablement du classement par taille économique globale.
La Carte de la Puissance Économique : Le Top 30 du PIB Nominal en 2025
Le Produit Intérieur Brut (PIB) nominal mesure la valeur totale des biens et services produits dans un pays sur une période donnée. C’est un indicateur de la taille de l’économie et de sa valeur dans le commerce international. Le classement par PIB nominal en 2025, basé sur les projections d’avril 2025 du FMI, montre la domination de quelques poids lourds régionaux.
L’Afrique du Sud est projetée pour rester la plus grande économie d’Afrique en 2025, avec un PIB nominal de 410,34 milliards de dollars. Elle devrait conserver cette position de leader au moins jusqu’en 2027.
L’Égypte se classe en deuxième position avec un PIB estimé à 347,34 milliards de dollars en 2025. Le pays maintient cette place après avoir brièvement dépassé l’Afrique du Sud en 2023.
L’Algérie et le Nigeria complètent le top 4, avec des PIB projetés respectivement à 268,89 milliards de dollars et 188,27 milliards de dollars. Le Nigeria, autrefois considéré comme la première puissance économique, arrive en 4ème position, un recul attribué à des défis structurels, une forte inflation et des difficultés dans le secteur pétrolier.
Ces quatre pays devraient continuer de dominer le paysage économique africain au moins jusqu’en 2030, selon le FMI.
Le classement du top 10 (et au-delà) par PIB nominal pour 2025 est le suivant :
- Afrique du Sud : 410,34 milliards $
- Égypte : 347,34 milliards $
- Algérie : 268,89 milliards $
- Nigeria : 188,27 milliards $
- Maroc : 165,84 milliards $
- Kenya : 131,67 milliards $. Une évolution notable est que le Kenya aurait dépassé l’Éthiopie pour devenir la plus grande économie d’Afrique de l’Est.
- Éthiopie : 117,46 milliards $
- Angola : 113,34 milliards $
- Côte d’Ivoire : 94,48 milliards $. La Côte d’Ivoire s’illustre en se classant dans le top 10.
- Ghana : 88,33 milliards $. Note: Une source donne 84,89 milliards $ pour le Ghana fermant le top 10, tandis que d’autres donnent 88,33 milliards $ et le placent 10ème ou même 10ème avec ce chiffre mais avant la Tanzanie qui est 11ème. Je retiens la valeur la plus fréquente et la position associée.
- Tanzanie : 85,98 milliards $
- République Démocratique du Congo : 79,12 milliards $
- Ouganda : 64,28 milliards $
- Tunisie : 56,29 milliards $
- Cameroun : 56,01 milliards $
- Libye : 47,48 milliards $
- Zimbabwe : 38,17 milliards $
- Sénégal : 34,73 milliards $
- Soudan : 31,51 milliards $
- Guinée : 30,09 milliards $ … (Le classement se poursuit jusqu’à 30 pays, incluant le Gabon à la 27ème place avec 20,39 milliards de dollars et le Botswana à la 28ème place avec 19,40 milliards de dollars).
Ce classement met en évidence les grandes économies du continent en termes de volume d’activité. Le poids de ces économies est illustré par leur contribution au PIB total de l’Afrique : l’Afrique du Sud représente 14,4%, l’Égypte 12,2%, l’Algérie 9,4% et le Nigeria 6,6%. Ces chiffres sont cruciaux pour les décideurs, les investisseurs et les chercheurs afin d’évaluer la santé économique d’un pays, sa compétitivité mondiale et son potentiel d’investissement. Ils aident également à prévoir les tendances futures et à allouer des ressources pour le développement et le commerce.
Analyse des Justifications : Moteurs de Croissance et Dépendances
Derrière ces chiffres se cachent des réalités économiques diverses. La position du Gabon dans le classement par PIB-PPA par habitant est directement liée à ses ressources pétrolières. De même, la Guinée équatoriale, l’Algérie et la Libye dépendent fortement de leurs industries pétrolières et gazières. Pour ces pays, les performances économiques restent influencées par les prix des hydrocarbures, même si les efforts de diversification sont jugés essentiels à la croissance à long terme. Le Gabon aurait investi dans les mines, l’agriculture et les infrastructures pour tenter de réduire sa dépendance aux hydrocarbures.
D’autres économies, comme les Seychelles et l’Île Maurice, ont bâti leur prospérité sur des secteurs non liés aux ressources extractives, prouvant le potentiel de diversification. Le Botswana, bien que riche en diamants, est reconnu pour sa gestion efficace de ces ressources et ses stratégies de diversification réussies, investissant notamment dans le tourisme et l’agriculture, ce qui a contribué à sa résilience économique.
Les grandes économies comme l’Afrique du Sud et le Nigeria, malgré leur taille, font face à des défis structurels. En Afrique du Sud, les conséquences de la crise énergétique risquent de continuer à peser en 2025. Le Nigeria, quant à lui, pâtit d’une économie insuffisamment diversifiée et pourrait être affecté par une baisse attendue des prix du pétrole.
Les trajectoires de croissance diffèrent au sein du continent. Les pays riches en ressources naturelles sont plus sensibles à la volatilité des cours des matières premières. Les économies plus diversifiées, comme le Bénin, la Côte d’Ivoire et l’Éthiopie, observent des taux de croissance plus solides. Cependant, même pour les pays riches en ressources, l’augmentation de la demande mondiale de minéraux critiques représenterait une opportunité de stimuler la croissance.
Retombées et Impacts sur les Économies Régionales et Continentales
Ces classements et les dynamiques sous-jacentes ont des impacts significatifs à l’échelle régionale et continentale. La dominance des grandes économies comme l’Afrique du Sud, l’Égypte, l’Algérie et le Nigeria structure le paysage économique africain et influence les flux commerciaux et d’investissement. Leurs performances ou leurs difficultés ont des répercussions sur les pays voisins et sur l’ensemble de l’activité continentale.
Cependant, il faut noter que les projections pour 2025 tablent sur une accélération de la croissance en Afrique subsaharienne, pour atteindre environ 4,2 %. Cette dynamique serait supérieure à la croissance observée les années précédentes (3,6 % en 2023 et 3,8 % en 2024) et même supérieure à la croissance mondiale projetée à 3,3 %. Cette amélioration s’expliquerait en partie par un ralentissement de l’inflation et une amélioration des conditions financières internationales.
Malgré cette perspective positive, les grandes économies comme le Nigeria et l’Afrique du Sud devraient rester “à la traîne” de la croissance continentale, malgré une reprise prévue dans ces deux pays. Si l’on exclut ces deux géants, la croissance en Afrique subsaharienne pourrait même atteindre 5,3 % en 2025-2026.
Ces moyennes régionales masquent d’importantes disparités, avec des taux de croissance atteignant 6 à 7 % dans certains pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, tandis qu’ils pourraient baisser dans le Golfe de Guinée et en Afrique australe.
L’urbanisation rapide et une population jeune en croissance sont également des facteurs structurels bénéfiques, garantissant une demande intérieure relativement robuste. De plus, la mise en œuvre progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est perçue par certains comme une source potentielle de croissance grâce à une intégration continentale renforcée et un essor du commerce intra-africain, bien que son impact reste difficile à quantifier pour l’instant.
Tendances et Prévisions Fin 2025
Les prévisions générales pour la fin de l’année 2025, basées sur ces projections de début d’année, demeurent globalement positives en termes de croissance du PIB réel pour l’Afrique subsaharienne (environ 4,1-4,2 %). Cette dynamique serait portée par plusieurs leviers:
- La baisse de l’inflation : qui devrait se traduire par une réduction des taux directeurs, stimulant ainsi la consommation privée et l’investissement dans de nombreux pays.
- L’amélioration des conditions financières mondiales : encourageant le retour des investissements étrangers, notamment dans les infrastructures et l’énergie, et contribuant à réduire les coûts d’emprunt.
- Une croissance mondiale stabilisée : bien que modérée à 3,3 %, elle fournit un environnement externe relativement stable.
- L’amélioration des finances publiques ou de la position extérieure : prévue pour la moitié des pays du continent.
Cependant, ces prévisions sont assorties de risques importants qui pourraient altérer le tableau d’ici la fin de l’année.
Les Risques Majeurs qui Pèsent sur les Perspectives 2025
En dépit des perspectives de croissance encourageantes, les économies africaines restent vulnérables à des chocs internes et externes. Plusieurs risques majeurs sont identifiés pour 2025:
- Un environnement mondial incertain : Une croissance mondiale plus faible que prévu due à des mesures protectionnistes commerciales (mention spécifique de la hausse des tarifs douaniers américains) pourrait réduire les échanges internationaux. Un ralentissement plus marqué qu’anticipé en Chine est également un risque. La baisse de l’aide au développement de certains bailleurs est une autre source d’incertitude.
- Le fardeau de la dette publique : L’endettement élevé de nombreux États africains, notamment envers la Chine et les créanciers privés, et l’arrivée à échéance de considérables flux de remboursement en 2025 constituent un risque majeur pour les finances publiques et les perspectives de croissance. Les coûts d’emprunt restent élevés pour ces pays. Selon une source, 21 États étaient surendettés ou à risque élevé de surendettement.
- Les tensions géopolitiques et conflits internes : La montée des tensions au niveau mondial et l’aggravation des conflits dans certaines régions (Sahel, Afrique de l’Est, bassin du lac Tchad) pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement, freiner les investissements et exacerber l’instabilité politique.
- Le changement climatique et l’insécurité alimentaire : L’Afrique subsaharienne est très vulnérable aux phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses, inondations) qui peuvent aggraver la production agricole, principal secteur de revenus et d’emplois, et ainsi augmenter la pauvreté et l’insécurité alimentaire. L’escalade de conflits (comme au Moyen-Orient, en RDC ou au Soudan) peut également perturber les chaînes d’approvisionnement alimentaire et augmenter les taux de malnutrition.
- L’inflation persistante : Bien que l’inflation tende à diminuer globalement, elle reste élevée dans certaines grandes économies en raison notamment de dépréciations monétaires. Une inflation plus tenace que prévu pourrait maintenir les taux d’intérêt mondiaux élevés, aggravant les difficultés des pays endettés.
De plus, les chiffres encourageants de la croissance du PIB réel en 2025 restent en deçà des niveaux pré-Covid rapportés par habitant (variation de 1,7 %). Ces performances sont jugées insuffisantes pour atteindre les objectifs de développement durable ou permettre une convergence avec les revenus du reste du monde. Environ 30 % des économies de la région pourraient ne pas retrouver leurs niveaux de PIB par habitant d’avant la pandémie d’ici 2026. L’Angola, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale et le Soudan devraient même enregistrer une baisse de leur revenu par habitant sur la période de projection.
En conclusion, l’année 2025 se profile comme une période charnière pour les économies africaines. Les classements par PIB-PPA par habitant et par PIB nominal, dominés par des pays aux profils variés – des petites économies insulaires très diversifiées aux géants riches en ressources naturelles – témoignent de la complexité du continent.
Les projections de croissance pour l’Afrique subsaharienne sont encourageantes, suggérant une accélération tirée par un environnement financier mondial plus favorable et une baisse de l’inflation interne. Le potentiel lié à l’urbanisation, à la jeunesse et à l’intégration régionale via la Zlecaf est réel.
Cependant, les défis sont immenses et les risques de dégradation prédominent. La dépendance aux matières premières, le fardeau croissant de la dette publique, la vulnérabilité aux chocs externes (ralentissement mondial, protectionnisme) et aux impacts du changement climatique, ainsi que l’instabilité politique et les conflits, constituent des menaces sérieuses pour la réalisation de ces perspectives positives.
Pour que 2025 soit une année de progrès durable, au-delà des simples chiffres de croissance ou de richesse par habitant, il sera impératif pour les nations africaines de redoubler d’efforts en matière de diversification économique, de gestion prudente des finances publiques, de renforcement de la résilience face aux chocs climatiques et géopolitiques, et de mise en place de politiques visant à créer des emplois et à réduire les inégalités sociales. Le chemin vers une prospérité partagée et durable est encore long, mais les dynamiques en cours et les leçons tirées appellent à un optimisme mesuré et à une action résolue.
Par Valéry KUATE
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