Les 17 et 18 novembre 2022 s’est tenue à Abidjan en Côte d’Ivoire, la première édition du Salon de l’industrie musicale en Afrique de l’Ouest. L’occasion pour de nombreuses professions liées à la musique de faire un point sur la situation de ce marché en plein développement.
Il est grand, il marche d’un pas assuré, répond aux sollicitations et questions de tout un chacun. Il se nomme Mamby Diomandé et c’est l’initiateur, avec l’ancien rappeur et producteur franco-camerounais Pit Baccardi, de ces rencontres professionnelles qui se tiennent sur deux jours à l’hôtel Ivoire à Abidjan. Le jeune homme est par ailleurs directeur Live&Brand chez Universal Music Africa. C’est donc lui qui ouvre, le 17 novembre, la première édition du Sima qui se veut être un rendez-vous régulier à l’avenir.
Si la vie d’artiste en Afrique de l’Ouest en particulier n’est pas facile pour un grand nombre, la carrière de producteur, d’éditeur, d’organisateur de concert ou de manager ne l’est pas beaucoup plus. Et là, dans ces conférences, keynotes et autres échanges, les mots clés semblent être : monétisation, bancarisation, valorisation, régulation, industrialisation, législation, digitalisation, etc. On est loin de la création artistique et pourtant, ces problématiques doivent aussi intéresser les premiers acteurs de cette industrie, à savoir les artistes.
“L’objectif de ce salon est de valoriser les acteurs de l’industrie d’Afrique francophone, de proposer des solutions concrètes de structuration de cette industrie et de faire des transferts de compétences à travers des masters class pour du renfort de capacité de ces acteurs”. Ainsi, Mamby Diomandé a rassemblé de nombreux professionnels installés en Côte d’Ivoire et ailleurs et les a donc incités à partager leur connaissance et leur expérience.
Ainsi A’Salfo le leader de Magic System et organisateur du Femua a-t-il dans une keynote particulièrement brillante dit quelle était l’importance des droits d’auteurs et des droits voisins, appelant les artistes à se préoccuper sérieusement de cette problématique. L’administrateur d’Universal Music Africa, Franck Kacou, a quant à lui fait un point sur le rôle et la place des majors dans le paysage, tentant d’exposer les réalités et de démonter les fantasmes. Philo, directeur de Bomayé Music a développé le rôle du producteur et son implication dans la construction dans la carrière d’un artiste. De nombreux autres membres éminents de ce secteur ont apporté leur pierre à l’édifice de la connaissance globale.
Comme le souligne Olivier Laouchez de Trace TV “il n’y a pas tant d’évènements sur l’organisation, le ‘business’ en Afrique francophone et on sait tous que cette industrie a besoin de se professionnaliser en permanence. C’est une industrie complexe, mais extrêmement importante. Quand on fait des études de secteur, dans la vie des gens, la musique est la thématique qui intéresse le plus l’ensemble de la population”.
Des thématiques à foison
Un monde en perpétuelle évolution, voici ce qui ressort de ces deux journées de conférences et d’échanges. Les thématiques sont nombreuses et les difficultés pointées comme autant de chantiers qu’il faut étudier pour trouver des solutions concrètes. C’est, par exemple, l’émergence des plateformes de streaming sur le continent. “Le coût de la data est super élevé et l’accès à internet pas évident. Les solutions qui sont proposées par les plateformes d’écoute de la musique légales ne sont pas adaptées aux habitudes de consommation de ces populations locales. Quand on sait que par exemple, en Côte d’Ivoire, le taux de bancarisation est de moins de 10%, l’accès à la musique via les leaders du secteur comme Spotify ou Deezer devient difficile puisqu’il faut une carte bancaire, indique Mamby Diomandé. Certaines sociétés comme Boomplay, une application de streaming, développe son service via la téléphonie.
Sur la production et le management qui souffrent de l’intervention de l’économie informelle, comme le mécénat ou le libanga (dédicaces de nom de personnes, voire de produits dans les chansons) au Congo, il est nécessaire de structurer la profession en créant des associations ou fédérations. “Il est nécessaire d’organiser les corporations”, assène Akotchaye Okio, chargé du développement international pour l’Afrique à la Sacem. Et à travailler avec les parties prenantes de l’industrie pour organiser les droits d’auteur et la gestion collective sur le continent, il semble bien placé pour délivrer ce type de message.
La législation est une part importante de la rationalisation et du développement de cette industrie musicale. “Il faut des réformes. Il faut une volonté politique” dit A’Salfo quand il évoque, par exemple, le peu de droits que reversent les plateformes de streaming en Afrique faute de contrats clairs. Autant de rétributions que ne récupèrent pas les artistes et ayants droits. Effectivement, les victimes de tous ces manquements sont bien sûr les créateurs mêmes des œuvres qui peinent à vivre de leur art, voire n’y parviennent pas du tout.
Motivés
Malgré un état des lieux difficile et complexe tant les thématiques sont nombreuses et touchent à l’économie, la technologie, la société, l’art, etc. tous ces professionnels soulignent l’extraordinaire potentiel du secteur. Il faut rappeler que la jeunesse est nombreuse et la démographie importante. Les intervenants soulignent, par ailleurs, que la globalisation a quelques bons côtés comme le fait qu’aujourd’hui dans le domaine de la musique, la domination américaine n’est plus. Le public semble avoir de l’appétence pour les musiques qui leur sont proches, d’où l’importance de la culture de chacun dans l’écoute de musiques, avec une dimension francophone non négligeable, face aux mastodontes nigérians par exemple.
Le tableau est impressionniste et coloré. Mais à n’en pas douter, il prendra de la valeur avec le temps, car les protagonistes paraissent tous dotés d’une motivation sans faille. Le Sima a réussi à fédérer les forces en présence, à montrer aux politiques l’intérêt du secteur. Il faut maintenant travailler à consolider la dynamique.
Source: Musique rfi
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