Avec des milliers de projets financés pour un montant cumulé de 45 milliards FCFA, c’est peut-être l’heure de la grande mue pour le Fonds africain de développement (FAD), bras armé de la BAD dédié aux financements concessionnels. Face aux besoins de financement croissants, l’avenir du guichet qui fête ses 50 ans pourrait se jouer sur les marchés financiers internationaux.
De ses premiers projets – des études de faisabilité de la route Sikasso-Kigan, les études de 14 barrages dans Le Tagant en Mauritanie, ou la construction de puits au Mali – tous approuvés le 16 janvier 1974, aux soutiens aux pays en pleine covid-19, le Fonds africain de développement (FAD) a fait du chemin.
Plus de 45 milliards $ injectés dans près d’une quarantaine d’économies sur le continent à travers 2800 projets, avec des projets phares comme le plus grand échangeur en Afrique de l’Ouest (l’échangeur routier à 4 niveaux de Pokuase au Ghana), le deuxième dans toute l’Afrique, comme l’a vanté Akinwumi Adesina (photo), fin mai, à Accra, lors des assemblées annuelles de la BAD. Aéroports, routes, ports, agriculture, santé, télécoms, centrales électriques … les petits financements de quelques milliers de dollars des débuts ont depuis, laissé place à de grosses enveloppes comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire en mars 2009 (337 millions $).
A l’heure de ses jubilés d’or, le guichet de prêt concessionnel de la banque panafricaine, créé en 1972 mais devenu opérationnel en 1974, semble plus que jamais à la croisée des chemins. Un tournant décisif d’autant que le président de la BAD veut franchir un nouveau palier.
Longtemps financé sur des dons des pays partenaires, pays développés comme émergents, le FAD doit désormais retrouver son salut à travers les marchés financiers, a laissé entrevoir Akinwumi Adesina. Alors que la banque multilatérale s’apprête à reconstituer son FAD 16 pour le leader nigérian, les seules injections des donateurs ne suffiront pas à résorber les besoins de financements croissants et colossaux auxquels les pays africains doivent désormais faire face. Pressions exacerbées d’ailleurs par la covid-19 qui a rogné les marges budgétaires, et depuis février, la guerre entre l’Ukraine et la Russie, alors que les menaces climatiques sont aussi devenues prégnantes. Pour la cause, M. Adesina s’est levé tôt.
Si des discussions ont démarré dès avril, les assemblées ghanéennes étaient l’occasion unique de remettre la question sur la table. « Lors de ces assemblées annuelles, nous discuterons avec notre conseil des gouverneurs de la manière de mobiliser davantage de ressources pour le Fonds africain de développement, afin de mieux soutenir les pays à faible revenu et les Etats fragiles d’Afrique », a prévenu le responsable.
Mobiliser 33 milliards $ in fine
Seule institution africaine créditée du triple A par l’ensemble des agences de notation majeures, le Groupe de la BAD dispose d’une des meilleures signatures sur le continent. Un profil renforcé par deux prix, à la sortie de la covid-19, en 2021. La banque basée à Abidjan a été désignée comme la « meilleure institution financière multilatérale du monde pour 2021 » par le prestigieux magazine américain Global Finance, spécialisé dans les marchés financiers et la banque d’investissement.
La même année, le FAD a été classé par le Centre for Global Development, basé à Washington D.C, comme la deuxième meilleure institution de financement concessionnel au monde en termes d’efficacité du développement, devant l’IDA de la Banque mondiale et les 28 institutions de financement concessionnel des pays développés. M. Adesina veut s’arc-bouter contre ces performances, pour préparer les premières incursions du FAD. Objectif : mobiliser plus de 33 milliards $ à partir des 25 milliards $ de fonds propres accumulés au fil des années.
« Pour faire face aux défis croissants, les pays FAD ont besoin de plus de ressources. Une façon d’y parvenir est de permettre au Fonds africain de développement d’utiliser ses fonds propres accumulés de 25 milliards $ pour mobiliser 33 milliards $ », a lancé le N°1 de la BAD, lors de son discours inaugural, le mardi 24 mai, présentant par la même occasion, sa « grande reconnaissance » à chaque pays donateur resté jusque-là avec le Fonds « dans le voyage de l’espoir des pays ».
Les premiers soutiens à cette idée sont ghanéens. Dans un discours fleuve, le président ghanéen a saisi la balle au bond. « Il est maintenant temps d’assouplir les règlements qui empêchent la Banque d’optimiser ses ressources. La modification des articles qui empêchent le FAD d’entrer sur les marchés pour optimiser ses ressources doit être une priorité de premier ordre », a instigué Nana Akufo-addo, faisant constater que les écarts de financement entre l’IDA, guichet concessionnel de la Banque mondiale et le FAD ont quintuplé depuis que l’institution de Bretton Woods s’est tournée vers les marchés pour lever 2 milliards $ d’obligations de développement durable en juillet 2021.
« Telle est la puissance démontrée des marchés qui attirent le FAD. Avec un capital FAD de près de 26 milliards $, les perspectives pourraient être de 8 à 10 milliards $ supplémentaires qui pourraient conduire à une transformation durable, en particulier pour les Etats fragiles et en transition sur ce continent », a souligné le dirigeant ghanéen. Pour Ken Ofori-Atta, son ministre des Finances, « l’idée serait de pouvoir mobiliser 1 milliard $ au cours des 5 prochaines années ».
Réduire l’endettement des pays africains
S’il tente de convaincre la trentaine de pays donateurs, qu’avec cette orientation « le fonds fera des effets de levier plus importants sur les contributions des pays donateurs » au profit de leurs contribuables, l’objectif d’Adesina est double.
Alors que les risques de surendettement frappent de plus en plus de pays africains, notamment des bénéficiaires du FAD, le président de la BAD pense qu’une telle option, devrait contribuer à réduire « la dette des pays africains, en leur offrant des taux de prêts concessionnels beaucoup plus bas que les taux d’intérêt très élevés qu’ils obtiennent sur les marchés mondiaux des capitaux ».
Pour sa part, Ofori-Atta insiste sur le fait que « la BAD doit tirer profit du solde du FAD ».
« Cette banque doit se libérer de ses chaînes pour mobiliser des financements compétitifs. Nous devons appuyer les réformes, se conformer aux exigences du Fonds, afin de mobiliser plus de ressources, pour accéder à des financements abordables pour l’ensemble de nos pays », soutient Ken Ofori-Atta.
Du côté des donateurs, même si on évite pour l’instant le sujet, on pense déjà aux 50 prochaines années du FAD, « une institution qui sait parler aux Africains, et qui comprend les réalités du continent ».
Source : Agence Ecofin
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