Quand j’allais à la SIL en 1986, j’achetais 4 doigts de banane mure à FCFA 10. En 2021 (35 ans après), j’ai acheté les mêmes 4 doigts de banane à FCFA 200, soit 20 fois plus cher. Pendant ces années de gloire de l’autosuffisance alimentaire au Cameroun, la banane était abandonnée au champ ou au bord de la route à qui voulait se servir gratuitement. Ces bananes, au lieu de coûter moins chères parce que l’on produirait plus, coûtent 20 fois plus chères parce que l’on produit moins par rapport à la demande. Ceci est vrai dans tous les domaines et secteurs d’activité. Et la situation est pire lorsque la décision du prix dépend du marché international.
Comme solution au renchérissement du coût de vie, le gouvernement camerounais avait opté pour l’ouverture des frontières croyant importer massivement pour combler la demande nationale. L’on a parlé de la politique de l’import-substitution. Ce faisant, le gouvernement nous a rendu entièrement dépendant des prix imposés par les fournisseurs internationaux qui créent la richesse ailleurs.
Or, beaucoup de mesures incitatives avaient été prises au Cameroun pour encourager l’importation des denrées alimentaires et autres produits de première nécessité. Toute opposition aux importations massives était considérée comme étant un complot contre l’Etat. On vous accusait (y-compris certaines associations de consommateurs) de vouloir affamer les populations.
Conséquences de l’option gouvernementale : Si nous ne partons que de 2015 à 2020 (5 ans), le Cameroun a importé en denrées alimentaires (seulement) pour plus de FCFA 700 milliards supplémentaires, allant d’environ 700 milliards en 2015 à plus de 1400 milliards en 2020. Voila une des conséquences de la politique de l’import-substitution qui a créé plutôt des effets pervers dans les faits. En 2021, le Ministre du Commerce du Cameroun semble s’en rendre finalement compte. Mais, il s’en prend encore mal. Il écrit à l’OMC comme si la mission de l’OMC était de mettre les barrières protectionnistes sur les marchés. Sa lettre relève de l’insolite. Il revient à l’Etat du Cameroun de protéger son marché et de bâtir son économie. Cela passe essentiellement par la prise des mesures structurelles à l’interne. J’y reviens.
Jusqu’ici, pour financer notre budget national, le gouvernement avait cru bon de devoir s’endetter. Aussi, en quelques années seulement, l’endettement du Cameroun a explosé. Toutes les sources la placent au-dessus de FCFA 11 000 milliards en 2021. Les fanatiques du régime nous expliquent que cela ne représente qu’environ 47% du PIB alors que la solvabilité ne se calcule pas en fonction du PIB. La soutenabilité de la dette est simplement votre capacité à rembourser le peu que vous avez emprunté. Le Cameroun est en passe d’entrer cette année dans la phase du « surendettement » (selon la grille du FMI) parce qu’il commence à ne plus honorer ses engagements auprès de ses créanciers. Le Cameroun éprouve des difficultés à payer ses dettes, aussi petites qu’elles puissent être. Prenons un exemple dans la vie quotidienne pour vous faire comprendre : la personne qui n’a qu’une dette de FCFA 100 000 mais, qui n’arrive pas à la payer est moins solvable et peu crédible que la personne qui en a 1000 fois plus et qui continue à honorer ses engagements auprès de ses créanciers. Celui qui ne paie pas sa dette de 100 000 est surendetté. On dira que sa dette n’est pas soutenable alors que celle de celui qui est 1000 fois plus endetté est soutenable puisqu’il la paie. Le Cameroun est depuis juin 2020 (au bord) du surendettement.
Une seule solution viable : Produire plus pour créer localement la richesse et stopper la tendance à s’endetter pour consommer. Certains pays s’endettent pour faire des investissements productifs mais, le Cameroun s’endette pour consommer (par exemple pour faire fonctionner des entreprises en faillite comme CAMTEL ou Camerco) ou pour faire des investissements non productifs (comme la construction des stades en lieu et place des routes et autres biens publics nécessaires à la production locale comme l’énergie). Il est urgent de changer de politique économique et de se concentrer sur la production et la transformation locale. En 2021, il coûte nettement plus cher de produire et de transformer localement. Notre prochaine politique économique doit s’atteler à renverser la tendance en facilitant l’entrepreneuriat local. L’on n’est vraiment bien que chez soi. Nous avons aujourd’hui l’obligation de dépasser nos clivages et autres querelles partisanes ou intestines pour s’entendre sur la nécessité de bâtir notre pays à notre goût.
Nous ne pouvons pas continuer à payer cher même ce que nous pouvons produire.
L’économie demeure à la base la loi de l’offre et de la demande. Si les prix augmentent, c’est parce que l’offre baisse. Il faudrait s’abstenir à prendre des mesures administratives comme celles de fermeture des marchés prises lors des épidémies et autres épizooties qui concourent à détruire le peu d’initiatives de production que nous avons en ce moment au pays. Il faudrait plutôt prendre des mesures de stabilisation de l’environnement économique à travers la loi des finances. Aussi, l’application du droit de propriété ne rassure pas dans notre pays. L’investisseur n’est pas sûr d’avoir une garantie permanente sur sa propriété. Pire, le marché n’est pas libre. De façon complètement incompréhensible, il ne profite pas aux Camerounais. L’Etat est encore au service des multinationales et autres grandes entreprises au lieu d’être au services des PME et TPE qui créent la richesse au niveau local. Chaque année, l’on relève cela dans la loi des finances en scrutant les avantages accordés aux multinationales. Pire, l’Etat utilise, consciemment ou non, la question des « normes » pour décourager toute initiative locale d’industrialisation. Une petite unité de transformation est soumise à une trentaine de normes à respecter au Cameroun pour être en règle. Je n’ose même pas parler du coût de chaque certificat de conformité à obtenir. Les passionnés de la transformation locale n’ont pas d’autres choix que de se tourner vers l’informel en vue d’échapper à cette obligation excessive de normalisation et à la pression fiscale. Au Cameroun, il y avait plus de 2 500 000 unités de production informelles (UPI) répertoriées contre 209 482 entreprises formelles seulement. Traduction : En formalisant simplement ses UPI à travers la prise des mesures incitatives, l’Etat résout durablement ses besoins de financement. Mais, on constate que l’Etat préfère le mimétisme à l’international. Par exemple, le bâton de manioc (saucisson de manioc) qui n’a jamais tué personne ne peut pas être produit formellement au Cameroun. C’est bloqué par les normes internationales recopiées par le gouvernement et appliquées bizarrement sur un produit destiné en priorité au marché local. Il y a nécessité de fixer nos propres normes locales et nationales pour écouler nos produits. En attendant, l’Etat pousse la production du saucisson de manioc à demeurer artisanale et informelle. Voilà le pays et voilà le mal qu’il faut combattre pour relever notre économie, et faciliter la vie à nos populations.
La politique de l’import-substitution a montré ses limites. Il faudrait que notre pays cesse d’être un comptoir commercial comme à l’époque de la traite négrière pour devenir un champ de production correspondant à notre société libre et compétitive.
Merci et bonne journée,
Source: Camer.be
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