« La République démocratique du Congo est au centre de la production mondiale des batteries électriques et doit […] prendre le leadership de la production régionale […]. Je voudrais inviter mes homologues africains à saisir l’occasion qui s’offre à notre continent, celle de construire ensemble l’industrie des batteries électriques. » Voilà ce que déclarait à juste titre le président congolais, Félix Tshisekedi, à l’ouverture du DRC-Africa Business Forum, le 24 novembre dernier.
Il invitait ainsi ses pairs à jouer leurs partitions dans l’accélération de la transition énergétique. L’Afrique pourrait y parvenir, à condition de s’attaquer résolument aux défis de gouvernance identifiés par l’Institut de gouvernance des ressources naturelles (NRGI) dans son nouveau rapport.
En effet, la RDC et l’Afrique australe disposent de ressources nécessaires à la transition énergétique, en particulier des quantités substantielles de minéraux pour les batteries au lithium-ion utilisées dans les véhicules électriques tels que Tesla ou Nissan Leaf. Le Congo détient l’essentiel des réserves mondiales de cobalt, nécessaire à la production des cathodes de batteries.
Les cathodes nécessitent deux autres éléments : le manganèse, dont l’Afrique du Sud fournit un tiers de la production mondiale, et le lithium, dont le Zimbabwe possède les sixièmes réserves au monde. En outre, Madagascar, le Mozambique et la Tanzanie détiennent ensemble 16% des réserves de graphite utilisé dans la fabrication des anodes de batteries. La ceinture de cuivre de la RDC et de la Zambie renferme environ 6 % des réserves mondiales de cuivre, utilisé à la fois dans les batteries et dans les véhicules électriques eux-mêmes.
Si l’on considère que la plupart des grandes économies mondiales ambitionnent d’atteindre le niveau “net zéro” d’émission de gaz à effet de serre d’ici à 2050, ces ressources vont faire l’objet d’une attention internationale soutenue au cours des prochaines décennies. Cela pourrait entraîner un boom minier qui rivalisera avec celui provoqué par la réémergence de la Chine.
Chaîne vertueuse
Avec une position aussi forte mais des enjeux aussi élevés, comment le président Tshisekedi et ses homologues d’Afrique australe doivent-ils jouer leur rôle ? Le nouveau rapport de NRGI entrevoit quatre façons (complémentaires) de procéder.
La première sur laquelle devrait se concentrer le gouvernement congolais consiste à percevoir des impôts et des taxes sur les centaines de nouveaux projets miniers qui verront le jour dans la région, une méthode qui permet aux pays de tirer le meilleur bénéfice de l’extraction des ressources. Elle dépend toutefois de la qualité de la gouvernance et de sa capacité à faire fonctionner les politiques publiques : taxer les entreprises, collecter efficacement les impôts et – c’est ici que cette chaîne vertueuse s’interrompt généralement – investir les recettes de manière productive.
Il s’agit notamment de bien gérer les phases d’expansion et de ralentissement économiques au moment où ces mines libèrent des milliards de dollars de recettes issus de milliards de dollars de capitaux investis, et de prévenir la corruption qui peut accompagner ces rentes.
L’interruption de cette chaîne vertueuse a souvent empêché ces milliards de dollars de réaliser des routes, des écoles et des hôpitaux dont les populations ont besoin.
Économies d’échelle
La deuxième recommandation du NRGI consiste à positionner les entreprises d’Afrique australe comme prestataires pour des projets miniers. Cette démarche s’est avérée difficile à mettre en œuvre dans certains pays car elle repose davantage sur l’esprit d’entreprise que sur la qualité de la gouvernance. Alors qu’une grande partie des machines sophistiquées utilisées dans les mines proviennent de Chine et d’Allemagne, de nombreux biens et services peuvent être fournis par les entreprises africaines, provenant par exemple de l’agriculture ou de services d’installations et de maintenance.
L’AFRIQUE POURRAIT Y PARVENIR, À CONDITION DE S’ATTAQUER RÉSOLUMENT AUX DÉFIS DE GOUVERNANCE
Ces fournisseurs africains doivent développer des entreprises plus compétitives et respecter les standards élevés, comme le font les prestataires internationaux qui dominent encore le secteur. Certaines peuvent réaliser des bénéfices en opérant uniquement en RDC mais la plupart doivent couvrir toute la région, de manière à bénéficier d’économies d’échelles plus importantes et à être compétitives.
Il y a donc des avantages à ce que les pays de la région coordonnent leurs politiques pour attirer les investissements miniers et générer des retombées durables pour leurs entrepreneurs.
Extraction ininterrompue
Le troisième point concerne la politique qui séduit les gouvernements et qui consiste à ajouter de la valeur aux minéraux de leurs pays : la RDC l’a déjà amorcée en exigeant le traitement du concentré de cobalt afin d’exporter uniquement l’hydroxyde de cobalt qui en résulte. C’est utile étant donné que le poids des matériaux à transporter par camion sur 1 800 km de la Copperbelt à Dar es Salaam en est radicalement réduit.
Mais la transformation du cobalt aura une chance de générer le niveau de valeur espéré par le gouvernement congolais si les producteurs de véhicules électriques s’engagent à réduire les émissions de carbone dans leurs processus de production, et si la RDC développe de nouveaux projets hydroélectriques, comme le Grand Inga longtemps retardé.
La RDC pourra alors se targuer d’avoir l’extraction et la transformation parmi les plus « propres » au monde. À terme, les pays d’Afrique australe pourront même couvrir une grande partie de la chaîne de production s’ils garantissent une extraction ininterrompue de minerais et coordonnent leurs politiques d’octroi de licences, leur régimes fiscaux et leurs politiques industrielles.
Diplomatie climatique
La quatrième approche concerne la protection de l’environnement. Indirectement, l’exploitation minière provoque environ 7% des pertes d’arbres dans le monde. Un boom de la demande de minéraux congolais rognera les forêts dont la RDC abrite 10% des réserves tropicales de la planète. Les autorités congolaises reconnaissent la valeur de la protection de ces actifs et, bien que les 500 millions de dollars récemment accordés au pays en échange de la préservation de la forêt soient peu comparables aux 1,5 milliard de dollars que le pays gagne chaque année grâce aux revenus miniers, il s’agit d’un premier pas important pour la diplomatie climatique de Kinshasa.
INDIRECTEMENT, L’EXPLOITATION MINIÈRE PROVOQUE ENVIRON 7% DES PERTES D’ARBRES DANS LE MONDE
Ainsi, même si la RDC et l’Afrique australe sont bien positionnées dans le jeu mondial de la transition énergétique, le continent africain pourrait mal jouer ses cartes s’il n’exploite pas maintenant cette fenêtre d’opportunités étroite. La gouvernance du secteur minier de la RDC est la plus faible de tous les pays qui comptent dans l’indice de gouvernance des ressources 2021 : elle doit absolument réaliser des progrès substantiels depuis l’attribution des licences jusqu’à la gestion des revenus et des impacts environnementaux et sociaux, en passant par la lutte contre la corruption.
Il reste 28 ans à la planète pour atteindre l’objectif carbone net zéro en accomplissant la transition vers des énergies propres : cela peut sembler long mais au regard des délais de développement des projets miniers et des processus législatifs, c’est demain. Et si la région devait demeurer un endroit trop risqué pour investir, les puissantes chaînes d’approvisionnement mondiales trouveraient le moyen de s’affranchir du cobalt, comme on l’observe déjà et comme cela a été le cas pour plusieurs minéraux critiques par le passé.
SOURCE : JEUNE AFRIQUE
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