Digital Business Africa : Quel était l’objectif de votre rencontre de Douala du 23 au 24 mars 2023 avec les banques et les opérateurs mobiles de l’Afrique centrale ?
Valentin MBOZO’O : Il s’agissait d’une rencontre de revue conformément à l’instruction de Monsieur Gouverneur de la BEAC de 2022 inhérente à la tarification des services monétiques interopérables dans la sous-région, pour plus d’inclusion financière et digitalisation des paiements en Afrique centrale.
Digital Business Africa : Le constat fait par la BEAC est qu’il n’y a pas une meilleure compréhension de la réglementation ? Comment expliquer cela ?
Valentin MBOZO’O : Certains acteurs semblent n’avoir pas pris conscience des évolutions apportées par l’interopérabilité et veulent rester dans les logiques qui étaient les leurs avant la grande disruption que connait la sous-région depuis la réforme des systèmes et moyens de paiement.
Ils n’ont pas pris en compte le grand bond qui est en train de s’opérer dans la finance digitale dans la sous-région avec la convergence des transactions entre les comptes bancaires, les comptes mobiles, les transferts d’argent et bien d’autres acteurs.
Ils n’ont pas également pris en compte les évolutions de la réglementation à la Banque Centrale.
Pour ne prendre que cet exemple, le fait que les Etablissements de Paiement issus des anciennes branches Mobile Money des Telcos puissent ouvrir des comptes à la Banque Centrale, leur procure des avantages en termes de rémunération des fonds, pouvant suppléer à ce qui est apprécié comme manque à gagner des transactions sont d’un certain montant.
A titre d’exemple, la commission d’une transaction d’un Etablissement de Paiement à un autre via le mobile de cinq millions de FCFA semble à leur appréciation en deçà des frais réels engagés par ceux-ci pour traiter cette transaction. Ils estiment qu’ils tournent à perte pour une telle transaction.
Digital Business Africa : Avec la nouvelle réglementation, les Telcos qui par le passé devaient s’associer à une banque classique pour offrir les services de paiement mobile, peuvent désormais se passer des banques et ouvrir eux-mêmes des comptes à la Banque Centrale. C’est bien cela ?
Valentin MBOZO’O : Effectivement. Cependant, cette possibilité est offerte au Etablissement de Paiement. Aussi, bien que le mot Telcos soit la désignation la plus usitée jusqu’à une époque récente, il serait souhaitable de désigner ces acteurs par le vocable Etablissement de Paiement (EP), conformément au règlement de 2018 inhérent au service de paiement.
Cela dit, selon le règlement sur la monnaie électronique de 2011, lesdits Telcos étaient tenus de s’associer en tant que partenaire technique aux banques titulaires de l’autorisation d’émission de monnaie électronique, pour les problèmes de compensation.
A présent, en tant que Etablissement de Paiement, ils peuvent disposer d’un compte à la Banque Centrale et bénéficier de tous les avantages en rapport.
Digital Business Africa : Comment amener tous les acteurs à accepter une grille tarifaire commune et équitable relative aux services mobiles interopérables ?
Valentin MBOZO’O : Obtenir un consensus sur une grille tarifaire n’est pas chose aisée. Néanmoins, le GIMAC a par le passé réussi à le faire avec succès. La révision de l’actuelle grille tarifaire, débuté à Douala prendra certainement du temps.
Le GIMAC est à l’écoute de chaque acteur et connaît parfaitement les contextes nationaux dans lequel il évolue. C’est pourquoi le Groupement saura les accompagner pour s’approprier la réglementation afin d’en tirer le meilleur de celle-ci.
Les textes sur la tarification des services bancaires et mobiles sont des textes datant de cinq ans et c’est tout à l’honneur de Monsieur le Gouverneur de la Banque Centrale. Des instructions spécifiant l’usage ont été prises, mais l’application n’est pas toujours entièrement effective. Nous contunions donc notre assistance didactique pour que les textes soient bien assimilés et appliqués.
Digital Business Africa : Vous parlez par exemple du fractionnement des plafonds des transactions. De quoi s’agit-il ?
Valentin MBOZO’O : Quand on parle de fractionnement des transactions des participants à GIMACPAY, ce n’est pas par méconnaissance des textes. Les raisons entendues çà et là étaient du genre “c’est parce qu’on ne peut pas tenir financièrement sans faire ça”. Et la question sur la table est celle de savoir s’il faut être hors instruction pour tenir sur ses comptes?
Raison pour laquelle il a été préconisé une étude des intrants financiers supportés par les participants en vue de la production des transactions en question, afin de déterminer en connaissance de cause le tarifaire approprié.
Digital Business Africa : Est-ce qu’avec la nouvelle réglementation, l’on donne la possibilité aux acteurs du système de fixer eux-mêmes les tarifs des transactions bancaire par paiement mobile ?
Valentin MBOZO’O : Non, non et non ! Les tarifs ne sont pas libres. Ce sont les plafonds des transactions qui le sont à l’intérieur de la CEMAC, ce qui n’est pas le cas pour les transactions vers l’extérieur de la sous-région.
Les plafonds des transactions sont laissés libres. Par contre, les tarifs et les commissions ne le sont pas. Raison pour laquelle il a été rappelé à tous de ne pas fractionner les plafonds des transactions !
A titre d’exemple, l’instruction préconise des transferts à l’intérieur de la CEMAC jusqu’à 5 millions de francs CFA comme plafonds. Il a été entendu avec tous les participants à GIMACPAY que ceux qui en ont dérogé reviennent à cette règle.
Digital Business Africa : Il y a aussi des acteurs financiers qui ont ces solutions de service mobile interopérables depuis longtemps. Mais, ils n’ont effectué que trois ou quatre opérations et transactions. Pourquoi ne mettent-ils pas en exploitation les ressources dont ils disposent ?Valentin MBOZO’O : Difficile de comprendre qu’étant investi en ressources de toutes sortes pour acquérir et déployer des services, en vue de gagner de l’argent, bizarrement en fin du processus, on n’éprouve pas l’envie de se donner avec autant d’énergie au moment de commercialiser et de développer avec une stratégie commerciale et marketing à la hauteur.
On s’est posé la question de savoir si les banques qui ont déployé ces solutions ont au préalable développé une stratégie distribution de ces services à l’échelle du réel potentiel du marché. Parce que le marché, lui, est concurrentiel et ouvert et les solutions de GIMACPAY répondent largement aux besoins des citoyens de la CEMAC.
Comment comprendre que d’aucuns démontrent leur appétence à gagner de l’argent là-dessus et d’autres s’atermoient. C’est comme si vous vous finissez de construire une maison, mais vous traînez les pieds au moment d’aménager.
Comment accompagner ceux qui sont à la traine ? Comment simplifier la compréhension des services mobiles interopérables ? Voilà quelques questions que se pose le Groupement afin que les outils désormais implémentés dans presque toutes les institutions financières dans la CEMAC puissent être exploités au bénéfice de tous.
Le GIMAC bien évidemment ne se contente pas de se poser les questions, mais collabore étroitement avec les Participants de GIMACPAY pour une consommation poussée des services mobiles interopérables.
Digital Business Africa : Face à cette situation, certains acteurs sont-ils plus avantagés, notamment les opérateurs Mobile Money déjà aguerris en matière de finance digitale ?
Valentin MBOZO’O : Il paraît évident que ceux qui prennent tôt le train en marche en récoltent les bénéfices longtemps avant les autres. Mais, notre point de vue est qu’il y a de la place pour tout le monde. Nous avons des arguments pour pouvoir surfer sur cette vague de digitalisation et surfer sur le Paiement Mobile.
Car, avec le Mobile Banking et le Paiement Instantané à partir ces comptes bancaires, tout est là. Aux banques d’être ingénieuses et de saisir les opportunités qui s’offrent à elles, en ces temps des grandes mutations des produits bancaires classiques au guichet vers ceux digitaux plus adaptés à l’ère du numérique. Il y a désormais une réelle opportunité pour elles.
Pour preuve, j’ai eu l’occasion et le plaisir de recevoir des banquiers qui se réjouissant du fait que le Mobile Banking leur ait rapporté des commissions sur des produits qui, il n’y a pas longtemps, ne figuraient pas dans leurs offres.
Donc, il revient à chacun d’être ingénieux dans l’interopérabilité intégrale, dans la convergence des comptes bancaires statiques et les comptes virtuels mobiles, les cartes bancaires, le mobile money, etc. J’ai la faiblesse de penser qu’il y a de la place pour tout le monde.
Digital Business Africa : Qu’est-ce qui explique la présence de la BEAC à cette rencontre GIMAC, banques et opérateurs mobile de l’Afrique centrale ?
Valentin MBOZO’O : La présence de la BEAC aujourd’hui se justifie par l’importance qu’elle accorde à la tarification des transactions pour le succès de l’interopérabilité et de l’interbancarité financière. La digitalisation des paiements est un volet capital des missions de la Banque centrale en matière d’émission et de gestion de la monnaie.
Le combat le plus ardu des Banques centrales étant la digitalisation des paiements synonyme de réduction du cash, il va de soi que là où on discute d’un tel levier susceptible de promouvoir l’inclusion financière, la BEAC ne peut qu’y être, compte tenu de l’intérêt qu’elle porte à ce volet.
L’autre raison tient du fait que c’est par instruction de Monsieur Gouverneur de la Banque centrale que la tarification prend force de règlement. Après le consensus qui se dégagera à bonne date, ce sera aussi par instruction de la même autorité qu’elle prendra force de règlement.
Digital Business Africa : Quels sont les derniers chiffres des transactions mobiles financières en Afrique centrale ?
Valentin MBOZO’O : Permettez-moi de parler uniquement de l’interopérabilité via GIMACPAY qui à ce jour, cumule plus de 27 millions de transactions opérées depuis l’avènement de l’interopérabilité dans la sous-région et plus de 1 110 milliards de FCFA traités.
Digital Business Africa : Sur une année cela donne quoi ? Par exemple pour l’année 2022…
Valentin MBOZO’O : En général, nous tournons à plus d’un million de transactions par mois. Vous pouvez faire le calcul pour une année. Nous rencontrons encore des freins à l’interopérabilité inhérents à la qualité et à la continuité de services des participants, ainsi qu’en termes de réclamations des clients de ceux-ci, altérant la confiance au réseau.
Mais, nous ne ménageons pas d’efforts pour surmonter ces difficultés, pour plus de citoyens utilisateurs des moyens de paiement digitaux.
Propos recueillis par Beaugas Orain DJOYUM, Digital Business Africa
Source – Digital Business Africa
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