Tesla, constructeur automobile ou géant du numérique ?

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Parmi les constructeurs historiques, et souvent centenaires, c’est Toyota qui possède la capitalisation boursière la plus élevée, avec plus de 210 milliards, suivi de très loin par VW avec moins de 100 milliards de dollars. Les groupes comme Toyota et VW ont produit plus de 10 millions de véhicules, en 2019, avant la pandémie de la Covid-19. Tesla a réalisé sa meilleure année en production, en 2020, avec à peine plus de 500.000 véhicules ! Alors comment Tesla peut valoir entre 3 et 7 fois plus que, respectivement, Toyota ou VW, tout en produisant 20 fois moins de véhicules ?

Tesla, un OVNI dans l’industrie automobile

Tout d’abord, Tesla a fait le choix de la motorisation 100% électrique. D’une part, la maîtrise de la technologie électrique est plus facile que la construction de moteurs thermiques et de boîtes de vitesse. Tesla a investi pour développer ses propres moteurs électriques. En plus, un moteur électrique délivre, sans attendre la montée en régime, toute sa puissance. Tesla a pu ainsi battre, sur circuit, les véhicules de sport les plus exclusifs du monde et se positionner comme une marque de prestige et technologique. Aujourd’hui, avec les objectifs de réduction des émissions de CO2 en Europe et dans d’autres pays du monde, Tesla se positionne en pole-position.

Ensuite, Tesla a continué de maîtriser la chaîne de valeur des composants électriques avec les batteries, en décidant de construire sa propre usine, la «Gigafactory» au Nevada. L’entreprise japonaise Panasonic fournit les cellules. Tesla les assemble et les gère avec son logiciel «maison». Là où les constructeurs automobiles traditionnels ont dévolu aux fournisseurs des composants stratégiques de leurs véhicules, Tesla maîtrise la technologie et fabrique, pour ses propres besoins.

Enfin, Tesla ne s’arrête pas à la maîtrise de composants car l’entreprise développe les logiciels de ses véhicules. Par exemple, l’écran multimédia, installé au milieu de la console, contrôle l’ensemble des fonctions de la voiture. Le conducteur peut tout paramétrer, selon ses envies. Pour Tesla, l’écran est stratégique car il est l’interface avec le client, et en plus, derrière celui-ci se cache le cerveau électronique du véhicule.

Tesla maîtrise les données et l’intelligence artificielle de ses véhicules

Pour améliorer la qualité de ses voitures et l’intelligence embarquée dans celle-ci, Elon Musk, PDG et fondateur de Tesla, a fait un choix radical : tous les véhicules Tesla sont connectés à Internet.

D’une part, les clients bénéficient de mises à jour des logiciels de leurs véhicules. Ainsi, des «bugs» de programmation sont éliminés et des améliorations apportées. Par conséquent, le client voit toujours son véhicule évoluer, même s’il l’a acheté depuis plusieurs mois ou années. Les véhicules Tesla font dès lors partie du monde digital, au même titre qu’un smartphone ou une tablette… L’expérience du client évolue donc dans le temps.

D’autre part, Tesla remonte des données anonymes de l’utilisation de tous les véhicules, en particulier, des paramètres du système multimédia et de l’«Autopilot», système d’aide à la conduite, avec même des enregistrements des caméras de sécurité… Ce dernier point est crucial !

En 2019, Elon Musk annonçait pouvoir finaliser ses logiciels neuronaux de traitement des images pour rendre la conduite complètement autonome, c’est-à-dire, sans intervention humaine, d’ici fin 2020. Pour y parvenir, Tesla améliore en continu ses logiciels neuronaux en les entraînant grâce aux millions de véhicules qui lui remontent des enregistrements des 8 caméras présentes autour de la carrosserie de ses véhicules. Les enregistrements des caméras sont utilisés pour apprendre aux logiciels à reconnaître des éléments tels que les lignes de voies de circulation, les panneaux et les positions des feux de signalisation. Par ailleurs, les situations de conduites exceptionnelles, comme la présence de débris, objets ou animaux, sont transférées vers Tesla pour entraîner les logiciels neuronaux.

Enfin, sur le même virage, exigeant, par exemple de la route 101 à San Francisco ou bien la Francilienne en région parisienne, Tesla analyse toutes les trajectoires des conducteurs, pour entraîner ses logiciels selon la conduite préférée du plus grand nombre d’humains. Il est à noter que, dans le cas des enregistrements des caméras, Tesla s’engage à respecter la vie privée de ses clients. Les enregistrements sont anonymes et pas collectés en permanence afin de ne pas capter l’ensemble d’un voyage d’un conducteur qui pourrait permettre de l’identifier.

En plus des algorithmes, les véhicules Tesla sont dotés de puissants microprocesseurs avec une capacité d’un trillion d’opérations par seconde ! Le design de ces microprocesseurs a été réalisé par une équipe dédiée, au sein de Tesla, depuis 2016. Par conséquent, Tesla maîtrise à la fois les logiciels et les microprocesseurs pour produire une intelligence artificielle du niveau d’un conducteur humain !

Enfin, à la veille du réveillon, le possesseur d’une Tesla Model 3, équipée d’une version expérimentale du logiciel Tesla «FSD (Full Self-Driving)» a filmé son voyage entre San Francisco et Los Angeles… Une seule intervention humaine a été enregistrée, pour éviter un débris sur la route, en arrivant vers Los Angeles… Pour le retour, aucune intervention humaine… Ainsi, la Tesla Model 3 a parcouru en totale autonomie les 600 kilomètres qui séparent les 2 villes californiennes ! Et ce n’est bien sûr que le début…

En conclusion, Tesla collecte des données de ses véhicules pour augmenter la performance de ses logiciels neuronaux et améliorer, sans cesse, l’intelligence artificielle qui remplace le conducteur. C’est exactement la même stratégie que Google qui perfectionne les algorithmes de son moteur de recherche grâce aux requêtes des utilisateurs. C’est ce qui fait de Tesla un acteur atypique dans l’automobile et surtout, Tesla a toutes les caractéristiques des entreprises technologiques comme Alphabet (Google), Amazon ou Facebook. Demain, Tesla pourrait très bien utiliser ses algorithmes pour d’autres activités que l’automobile… Elon Musk n’a pas fini d’émerveiller les observateurs et inspirer la crainte à ses concurrents, présents ou à venir.

Franck Cazenave, auteur du livre «Stop Google», aux Éditions Pearson et directeur Smart Cities chez Bosch

Les avis d’experts sont publiés sous l’entière responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction de L’Usine Nouvelle.

Source: usinenouvelle.com

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