Du jamais vu. Les cours du pétrole coté à New York se sont effondrés lundi. Sur les marchés à terme, le brut américain a perdu près de 300% dans la soirée, passant en territoire négatif, à -37,63 dollars. Il s’agit de la plus forte baisse en séance jamais enregistrée par Bloomberg dont les données remontent à 1983. Cette chute est en grande partie due à des facteurs techniques, avec l’expiration des contrats pour livraison en mai ce mardi, mais elle souligne les vents contraires que doit affronter le marché pétrolier..
L’or noir subit de plein fouet l’effondrement de la demande en raison des mesures de confinement pour endiguer la propagation du coronavirus. Selon les premières estimations, la consommation de pétrole dans le monde a chuté de 20 millions de barils par jour (mb/j) et jusqu’à plus de 30 mb/j pour les plus pessimistes. Avant la pandémie, le marché tournait autour des 100 mb/j.
Où stocker ?
A ce choc de demande s’ajoute une quasi- saturation des capacités de stockage . Le monde déborde d’or noir à ne plus savoir quoi en faire. N’importe quel oléoduc ou tanker en mer est utilisé comme réserve de pétrole. Les prix de location des navires ont d’ailleurs flambé passant de 30.000 dollars par jour à plus de 150.000 dollars.
Selon le relevé de l’administration américaine de l’information sur l’énergie, les stocks de brut de la plus grande économie mondiale ont augmenté de 19,25 millions de barils la semaine dernière. Le grand hub à Cushing dans l’Oklahoma est au bord de la saturation. Les réserves s’élèvent à 55 millions de barils alors qu’il n’y a de la place que pour 76 millions de barils.
Les infrastructures de stockage outre-Atlantique sont si pleines que certains producteurs texans vendent leur baril pour 2 dollars, selon les données de Bloomberg. On pourrait même en voir certains payer pour se débarrasser de leur pétrole. « Il n’y a plus de limite à la baisse quand les stocks et les oléoducs sont pleins. Des prix négatifs sont possibles », mettait déjà en garde Pierre Andurand, gérant d’un influent hedge fund sur le pétrole, précisant toutefois sur Twitter qu’un tel phénomène serait éphémère.
Autour des années 2010, lors de l’explosion de la production avec la révolution du schiste, les prix sur le marché physique avaient atteint des niveaux extrêmement bas. Les exportations d’or noir étant interdites, les stocks s’étaient remplis à grande vitesse. Les producteurs vendaient le pétrole à n’importe quel prix pour éviter de fermer leurs puits, une opération coûteuse.
Ecarts de prix
En attendant, « de tels niveaux de prix obligent à des fermetures et entraînent des pertes d’emplois. Les opérateurs tentent de réduire les coûts pour faire face à cet environnement de prix bas », explique Rystad Energy dans une note. Selon le dernier décompte de Baker Hughes, le nombre de puits de forage a chuté de 66 unités la semaine dernière, la plus forte baisse hebdomadaire depuis 2015.
Les tensions sur le stockage aux Etats-Unis expliquent la hausse de l’écart de prix entre le brent, référence européenne, et le WTI. Ce lundi, il a atteint environ 60 dollars, un plus haut historique, au-dessus du record de 2011 à 27 dollars.
Alors que les contrats arrivent à expiration ce mardi, les investisseurs qui les avaient achetés simplement pour les revendre à l’approche de la date butoir se sont retrouvés dans une situation très problématique : ils n’ont pas trouvé d’acheteurs et eux n’ont pas les moyens de recevoir la livraison prévue dans le contrat car ils ne disposent d’aucun lieu de stockage.
Le spread pourrait diminuer aussitôt que la bascule vers les contrats pour juin sera réalisée. Mais certains dans le marché affirmaient lundi soir que des fonds se sont déjà reportés sur les contrats avec livraison en juillet… ce qui pourrait alors peser sur ceux de juin.
Une remontée significative des prix à court terme est improbable. Avant la chute des prix en territoire négatif, les analystes de MFUG anticipaient des prix proches de 20 dollars pour le brent et à près de 10 dollars pour le WTI dans les semaines à venir. Des perspectives partagées par Rystad Energy : « Comme toujours, on verra des hauts et des bas, mais la tendance sera sans aucun doute à la baisse. Du moins jusqu’à ce que des nations viennent en aide à l’Opep et à ses partenaires en réalisant des réductions substantielles. »
Un accord portant sur une réduction de production de 10 millions de barils par jour a été trouvé et signé le 12 avril par l’Opep et ses partenaires. Mais celui-ci n’entrera en vigueur que le 1er mai et n’a semble-t-il pas convaincu les marchés, qui considèrent que les réductions promises ne suffiront pas à compenser la chute massive de la demande provoquée par la pandémie.
Par : Étienne Goetz
Source : LesEchos
Articles Connexes
Du 23 au 27 novembre passé, la Chambre africaine d...15th Déc 2020
La guerre en Ukraine oblige l’Union européenne à r...15th Mar 2022
La Banque africaine de développement (BAD) a déb...22nd Déc 2020
Malg...14th Jan 2023