DEBAT – De la démographie en Afrique: les faits et l’expertise face au commerce des Angoisses

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Après les faits et tendances à l’échelle mondiale la semaine dernière, Gilles Yabi évoque plus spécifiquement des indicateurs démographiques en Afrique.

L’indicateur synthétique de fécondité, comme l’appellent les démographes, estimé pour cette année 2023 est de 4,18 enfants par femme en Afrique. Le continent qui suit est l’Océanie avec 2,13 enfants, l’Asie (1,93), l’Amérique latine et les Caraïbes (1,84), l’Amérique du Nord (1,64) et enfin l’Europe avec 1,5 enfant par femme. L’indice de fécondité en Afrique est près de deux fois plus élevé que la moyenne du reste du monde. Mais la tendance est à la baisse, en Afrique comme partout ailleurs. En 1980, la fécondité était de 6,6 enfants par femme. Elle est tombée à 5,18 en 2000 puis à 4,18 actuellement.

Derrière la moyenne africaine se cachent des différences significatives entre les régions et les pays. On retrouve les chiffres les plus faibles en Afrique australe et en Afrique du Nord, avec 2,39 et 2,99 enfants par femme respectivement. La fécondité est de 4,09 en Afrique orientale, 4,82 en Afrique de l’Ouest et de 5,49 en Afrique centrale, qui est donc la région du continent avec l’indice de fécondité le plus élevé. Là encore, il y a une différence marquée par exemple entre le Tchad et la République démocratique du Congo avec 6,12 et 6,05 enfants par femme respectivement, et le Gabon avec 3,39 enfants par femme.

En Afrique de l’Ouest, derrière le Niger avec 6,67 enfants par femme, on retrouve le Mali avec 5,79, le Nigeria avec 5,6, beaucoup de pays entre 4 et 5 enfants par femme, et loin derrière le Cap-Vert avec seulement 1,86 enfants par femme.

Ce qui est incontestable, c’est que l’Afrique est la partie du monde qui va contribuer le plus à la croissance de la population mondiale pendant de nombreuses décennies

Abdramane Soura, le directeur de l’Institut national des populations au Burkina Faso, tout comme Gilles Pison de l’Institut national d’études démographiques (INED) en France, que nous avions invités à une table ronde conjointement organisée avec l’Institut Jacques Delors en janvier dernier, ont souligné la jeunesse de la population du continent. 45 % de la population a moins de 15 ans et ce ratio sera toujours supérieur à 30 % en 2050. L’âge médian sera de 23 ans en Afrique en 2050 contre 17 ans aujourd’hui. Ce qui veut dire que les Africains qui ont plus de 17 ans font déjà partie de la moitié la plus âgée.

Pour donner quelques exemples : l’âge médian est actuellement de 17 ans environ au Nigeria, 18 ans en Guinée, 15,5 ans en République démocratique du Congo, 15 ans au Tchad. En Inde, il est de 28 ans, en Chine de 38 ans, en France de 42 ans, aux États-Unis de 38 ans et au Japon de 49 ans.

Chaque partie du monde a donc des défis majeurs à relever, celui de la satisfaction des besoins essentiels et des aspirations d’une population très jeune en Afrique et celui des conséquences économiques et sociales du vieillissement

Lors de notre table ronde virtuelle, nous avions exploré justement les défis économiques et sociaux liés au vieillissement de la population en Europe avec Isabelle Marchais, chercheure associée de l’Institut Jacques Delors et auteure d’une étude stimulante sur ce sujet.

Sur les questions démographiques, peut-être encore plus que sur d’autres, il est fortement recommandé d’écouter les analyses de ceux qui savent de quoi ils parlent, plutôt que de relayer les certitudes régulièrement assénées par ceux qui sont principalement intéressés par le commerce de la peur. Dans son dernier rapport, le Fonds des Nations unies pour la population exhorte les politiciens et les médias à abandonner les récits exagérés sur les booms et les récessions démographiques, les angoisses du surpeuplement comme celles du dépeuplement.

Ce qui est certain, c’est que les poids démographiques de l’Asie et de l’Afrique ont déjà et auront des implications fortes pour l’ordre mondial dans tous les domaines. Dans un article publié par la revue américaine Foreign Affairs en mai dernier, les universitaires Jack Goldstone et John May écrivent qu’en 2050, la population active dans la force de l’âge en Afrique sera cinq fois plus importante que celle de l’Europe, et plus importante que celle de l’Inde et de la Chine réunies. 2050, ce n’est que dans 27 ans. La seule question qui vaille pour le continent est de tirer toutes les leçons de ses indicateurs démographiques pour des réorientations fortes et urgentes des politiques publiques et de l’allocation des ressources.

Source – RFI

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