Noëllie Tiendrebeogo, 1re femme DG de Banque au Burkina : « Je n’ai pas l’expérience de la courte échelle »

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Elle est une succes story dans le secteur de la banque. Banquier de haut vol, Noëllie Cécile Djimon Tiendrebeogo /Dandjinou a réussi à inscrire son nom en lettres d’or dans l’histoire du secteur bancaire burkinabè. En effet, ancienne directrice générale de UBA (2019-2021), et actuelle patronne de Ecobank Burkina, elle est la première femme à accéder à ce niveau de responsabilité dans le milieu bancaire au pays des Hommes intègres. Née à Bobo-Dioulasso en 1972, dans le quartier Koko (zone des écoles), elle y a fait ses études primaires à l’école nouvelle, puis secondaires, au collège Sainte-Marie de Tounouma et au Collège Tounouma Garçon, où elle a obtenu un BAC D en 1991. Elle poursuit ses études à l’Université de Ouagadougou, aujourd’hui Université Joseph Ki-Zerbo, où elle sort nantie d’une maitrise en gestion des entreprises et d’un DESS en Finance-Comptabilité-Contrôle de Gestion. A l’issue d’un brillant cursus scolaire et universitaire, cette amazone de la banque a pourtant entamé sa vie active loin de ce secteur. Mieux, l’économie et le métier bancaire n’étaient pas dans ses premiers rêves. « Je voulais être pharmacienne, je ne sais pourquoi », confie-t-elle. Son rêve d’enfance va être plus tard influencé par une proche. « J’avais une tante qui travaillait dans une banque. J’avais de l’admiration pour ce qu’elle faisait. Le banquier, au-delà de l’argent qu’il manipule, symbolise la prestance, l’élégance. Je me suis dit que si je ne deviens pas pharmacienne, je serai banquier », se remémore-t-elle. En 1997, elle commence sa carrière à l’international, dans une société française spécialisée dans les semences agricoles, Technisem West-Africa, basée à Dakar. Après six mois au Sénégal, son employeur l’affecte à Abidjan où elle eut vent d’un avis de recrutement d’un chargé de comptes pour une banque. A l’issue du test, la joie de l’ancienne étudiante de Zogona est double. Le rêve de travailler en banque se concrétise, mais aussi le bonheur de rentrer au pays ; son recruteur étant la Société Générale Burkina Faso (SGBF). Ainsi débute en 1998 une prometteuse carrière bancaire. « Je ne suis pas rentrée dans cette banque dans une position de commerciale mais de backoffice, en tant que chef de la division méthodes, organisation et procédures. Par la suite, mes supérieurs ont trouvé que j’avais une fibre commerciale ; que j’avais de bonnes aptitudes pour réussir au FrontOffice », témoigne-t-elle.

Ce n’est pas elle qui était pressentie

Après huit ans à la SGBF, cette dame aux « choix réfléchis » dépose ses valises à Ecobank Burkina. En moins de cinq ans, elle gravit les marches de la profession bancaire et de la chaine de responsabilités. Elle sera tour à tour chargée de ressources et emplois, chef de division PME/PMI & particuliers, chef de division sociétés multinationales et régionales, administrateur de la banque, directrice Corporate Bank (direction des grandes entreprises). Pour ce dernier poste, elle n’était pourtant pas la personne pressentie. Dans un processus de recrutement interne, après avoir fait une première proposition, le directeur des ressources humaines de Ecobank Burkina, Adama Paré, change d’avis et envoie le CV de Noëllie au directeur des grandes entreprises du groupe Ecobank, qui s’étonne de cette deuxième proposition. « Je pense que c’est cette dame qu’il nous faut !

Prenez en compte son CV et examinez les deux ! A la fin, Mme Tiendrebeogo a été retenue », confie M. Paré. En une année, elle a survolé les performances de ses prédécesseurs et se voit confier la direction des grandes entreprises. A ce niveau de responsabilités, il ne restait que le dernier palier de l’escalier : le poste de Directeur général (DG). Mais au lieu de sa banque, c’est UBA-Burkina qui lui en donne l’opportunité. « Le jour où UBA m’a fait savoir qu’elle souhaiterait que je dirige sa filiale, sur-le-champ, je n’ai pas pensé que je devenais la première femme DG de banque. J’ai plutôt ressenti le poids des challenges qui m’attendaient », confie-t-elle, la voie posée et captivante. Sa nouvelle mission est gigantesque : remobiliser et motiver les 400 travailleurs des 27 agences de UBA-Burkina, retrouver la rentabilité pour répondre aux exigences du groupe. En bosseuse silencieuse, la native de Sya obtient des résultats tangibles dans un environnement bancaire hautement concurrentiel. En deux ans, UBA-Burkina quitte la 6e/7e place, où elle s’était figée pendant longtemps, pour la 5e place, suivant plusieurs indicateurs de performance : taille du bilan, des ressources collectées, profitabilité, coefficient d’exploitation, taux de dégradation du portefeuille. « Sous sa direction, les chiffres ont progressé de manière significative ! Cela montre le travail qu’elle a abattu en si peu de temps ! Elle est à l’origine du rebranding de notre siège. En 24 mois, elle a formé le personnel, fait grandir la banque et chacun de nous », relate la directrice de la banque digitale de UBA-Burkina, Eliane Ouédraogo. Ces performances, Mme Tiendrebéogo ne les considère pas comme le fruit d’un raid solitaire. « Du boulot a été abattu, mais je ne l’ai pas réalisé seule.

Mlle Dandjinou défendant son mémoire de DESS en finance-comptabilité-contrôle de gestion en juin 1997, à l’UO, devant le jury.

Il y a eu des équipes qui m’ont toujours accompagnée. Mon passage à UBA a été une expérience enrichissante, sur le plan professionnel et humain », se réjouit celle qui aime répéter à ses collaborateurs ensemble, on va plus loin. Ses résultats réalisés à UBA lui ont valu d’être classée dans le top 50 africain des meilleurs dirigeants de banque en 2021, par Reputation Poll International LLC, l’une des principales agences mondiales de gestion de la réputation d’entreprise. Comme si elle n’avait pas dit son dernier mot, Ecobank revient à la charge pour récupérer son élément, et lui confier les clés de la maison. Par ce retour par la grande porte en août 2021, Mme Tiendrebeogo entre encore dans l’histoire : elle est la première Burkinabè à diriger la filiale Ecobank Burkina, depuis son ouverture en 1997. « Au moment où Ecobank me donnait cette opportunité, j’avais d’autres propositions intéressantes. Mais quand on a passé 15 ans dans une maison, cela crée des liens, un attachement à l’entreprise, à ses valeurs. Alors, j’ai décidé de revenir », argumente la 8e DG de Ecobank Burkina.

Un pur produit de l’UO

En signant ce come-back, la fille du regretté styliste bobolais, André Dandjinou, a à cœur de repositionner Ecobank sur le marché bancaire national. « 3e ou 4e place, sans fausse modestie, ce n’est pas notre place, au regard de l’expérience et de la force de Ecobank, premier groupe bancaire panafricain », martèle dame Noëllie. Pour elle, le métier de la banque est passionnant et exigeant, demande de la rigueur, de la discipline, beaucoup de recul, de tempérance et surtout de l’intégrité et de la responsabilité. Car au quotidien, on est appelé à prendre des décisions qui touchent aux intérêts économiques des clients, affectent la vie des actionnaires et des employés. Quand on lui demande le secret de sa belle chevauchée professionnelle, l’enfant de Koko y voit le résultat de son éducation parentale, scolaire et universitaire.

La DG d’Ecobank, Noëllie Tiendrebeogo : « J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont inculqué des valeurs ».

« J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont inculqué des valeurs. Mon père était l’incarnation de la discipline, de la rigueur ; ma mère, l’incarnation du travail acharné, sans répit », confie celle qui avait « pleuré à chaudes larmes à son CE2 pour avoir été première ex-aequo de sa classe ». Noëllie Tiendrebeogo est l’une des voix qui refusent de vilipender le système éducatif burkinabè. Elle n’a aucun complexe d’avoir fait ses humanités à Zogona. « Je ne cesse de le clamer, je suis un pur produit de l’Université de Ouagadougou. Dans mon parcours professionnel, j’ai côtoyé des collaborateurs qui ont fait leurs études dans des pays africains, européens et américains. Mais à aucun moment, je ne me suis sentie en position d’infériorité, moins compétente devant eux parce que j’ai fait l’Université de Ouagadougou. Je suis très fière de ce que cette université a fait de moi aujourd’hui », lâche-t-elle, le regard vif et franc. Mais le succès professionnel, insiste-t-elle, n’est pas forcément lié aux compétences. Il tient aussi à la main de Dieu, aux opportunités qui s’offrent à vous et qu’il faut oser saisir. Ces opportunités, Noëllie avoue en avoir eues à plusieurs reprises au cours sa carrière, par l’entremise de supérieurs hiérarchiques qui lui ont tendu la perche afin qu’elle puisse faire ses preuves. A cela s’ajoute le « soutien inestimable » de ses proches, ses collaborateurs, sa famille, ses enfants et de son époux en particulier. « Il a toujours été à mes côtés, surtout quand je n’avais pas de résultats. Il m’encourageait sur mes petites victoires. Pour réussir, on a besoin de personnes qui vous comprennent, vous encourage à relever les défis. De ce point de vue, mon époux a été d’un grand soutien », confie-t-elle. Mais en vérité, son éloquente carrière n’a rien de surprenant, clament à l’unisson ses parents, amis, collègues et enseignants.

« Une femme exceptionnelle »

Pr Mady Kouanda, enseignant-chercheur à la retraite, est à l’origine de la création du DESS en finance-comptabilité-contrôle de gestion en 1996. Il se souvient encore des qualités de son ancienne étudiante, aujourd’hui directrice générale de banque. « Mme Tiendrebeogo a été une femme exceptionnelle très tôt. Elle a fait un parcours universitaire sans faute. Je l’ai tenue de la première année au DESS et elle a été major de la première promotion. C’est une femme extrêmement intelligente. Elle se distinguait des autres étudiants par son engagement, sa prise d’initiatives, son goût de l’apprentissage », relate-t-il. Sa position actuelle est loin d’un fait du hasard ; car, depuis le campus, elle avait les capacités intellectuelles et humaines pour réussir, poursuit Pr. Kouanda. Outre ses qualités d’excellente banquière, derrière la silhouette svelte de cette dame, à la démarche mesurée, se cache l’âme d’un grand manager. « Elle est rigoureuse, travailleuse, très courtoise, tient ses engagements. En tant que DRH, je reçois au quotidien des plaintes : “mon chef m’écrase, me brime, … “. Avant qu’elle ne soit DG, je n’ai jamais reçu ce genre de feed-back négatifs la concernant. En revanche, ce qui me revient, c’est sa rigueur », fait remarquer Adama Paré. Et d’ajouter que DG Noellie est une collaboratrice qui aime partager ses connaissances, sait mettre en place une organisation apprenante autour d’elle. Elle a encadré nombre de cadres de Ecobank.

Pr Mady Kouanda, ancien professeur de Mme Tiendrebeogo : « Elle se distinguait des autres étudiants par son engagement, sa prise d’initiatives, son goût de l’apprentissage »

A UBA, son style managérial ne laisse pas indifférent. « Elle avait un management participatif, prenait toujours l’avis de ses collaborateurs. Elle va au-delà du prévu, avance par objectif, avec détermination et sérénité; elle sait là où elle va », relate Eliane Ouédraogo. Son ancienne patronne, précise-t-elle, n’est pas du genre à arranger les mots et les résultats pour paraitre. Le secret de ce management à succès réside dans ce principe directeur cher à Mme Tiendrebeogo : le respect de l’autre. Sa règle d’or est de traiter ses collaborateurs tel qu’elle voudrait être traitée. Malgré tout, être femme dirigeante d’entreprise n’est pas chose aisée. Surtout dans un contexte où la persistance des pesanteurs socioculturelles fait que l’autorité et les compétences de la femme ne sont pas admises d’office. « La première difficulté est de montrer d’abord que tu es là par tes compétences et non pour des questions de quota genre ou autres…. Pour le prouver, les femmes doivent fournir un double effort. Une fois cette preuve administrée de façon évidente, vous avez le soutien des collaborateurs, des hommes en particulier », rassure celle qui aime rappeler qu’« il n’y a de limites que celles que l’on se fixe soi-même ».

Stable dans sa tête

A la réussite professionnelle de ce haut cadre de banque-finance, se greffe un succès social. Elle a su allier vie professionnelle, familiale et sociale, soutient son amie et promotionnaire d’université, Alimata Sawadogo, représentante-pays de SOS-Faim Belgique et SOS-Faim Luxembourg. « Avec la charge du travail, je n’ai toujours pas le temps de me consacrer à ma famille. Mais le petit temps que j’ai de rester avec elle, j’en profite au maximum ! Aujourd’hui, j’ai la chance que mes enfants sont grands », se réjouit la reine de la banque. Malgré son statut social, celle qui dirige les 35 agences et les 474 travailleurs (dont 40% de femmes) de Ecobank Burkina, croyante pratiquante et fidèle en amitié, a toujours su garder la tête sur les épaules.

« Elle a eu une jeunesse encadrée, bien rangée. Elle ne fait pas de choix inconsidérés. Elle est stable dans sa tête. La preuve, elle s’est mariée à son petit ami de lycée », révèle son frère ainé, Pr Sabin Dandjinou. En famille, sans être l’ainée (5e d’une fratrie de 7 gosses), avec son « leadership naturel », son « sens élevé de l’écoute », Noélie est celle qui rassemble. Mariée et mère de deux enfants, Mme Tiendrebéogo, que ses proches qualifient de généreuse, qui « partage sans tapage », est présente dans le mouvement associatif. Trésorière de l’Association des femmes résidentes de la zone C de Ouaga 2000, elle est membre fondatrice de l’association « les Violettes » pour l’entraide à la petite enfance défavorisée et de l’Association Burkinbii-Solidarité et Partage. Mordue de lecture et de musique, cette polyglotte qui parle français, anglais, mooré, dioula et mina, n’a pas que des qualités. « Le défaut de Noëllie est qu’elle est réservée. Elle ne va pas spontanément vers les gens. C’est une forme de timidité qui est paradoxale par rapport au poste qu’elle occupe. Elle doit corriger cela pour permettre à ses collaborateurs d’être à l’aise quand ils viennent vers elle », suggère Mme Sawadogo. Mais cela n’est pas synonyme de manque d’autorité. Car, derrière son apparente réserve, se cache beaucoup de sagesse, de pragmatisme, de sens du recul ; bref une dame qui ose, aime les défis. Ses collaborateurs auraient pu la surnommer “Mme Pression”, pour souligner l’autre défaut de cette « infatigable bosseuse ».

« Quand DG Noellie vous donne du travail, la pression est totale ! Il faut le lui rendre pour avoir la paix du Seigneur ! Certes, elle le fait en douceur, mais c’est une pression qui ne dit pas son nom », rigole Eliane Ouédraogo. Tous fiers de son parcours, parents et proches collaborateurs demeurent convaincus qu’elle n’est pas encore aux limites de son potentiel. Aux jeunes, Mme Tiendrebeogo conseille, en lieu et place des raccourcis, le travail, la discipline, le don de soi et la patience. « Je n’ai pas l’expérience de la courte échelle. Ce que j’ai testé et qui marche, c’est le travail. Je ne suis pas d’une famille de riches, de diplomates, de députés mais plutôt d’une famille modeste. Mon père était un styliste, et ma mère une commerçante », souligne celle qui veut être l’incarnation que l’on peut partir de rien et parvenir à réaliser de grandes choses.

 

SOURCE : SIDWAYA

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