Décès de Pierre Cardin, visionnaire de la mode

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Du confort et de l’audace. C’est avec cette maxime que Pierre Cardin a façonné son succès. Celui que l’on a longtemps appelé « le dernier monument de la couture française » a, en près de 70 ans de carrière, bâti un empire reconnu et envié dans le monde entier. Né à Sant’Andrea di Barbarana, petit hameau à 50 km au nord de Venise, le 2 juillet 1922, Pietro Costante Cardin est le cadet d’une famille de 10 enfants. Propriétaires terriens antifascistes, ses parents ont fui l’Italie de Mussolini au milieu des années 1920, et ont trouvé refuge en France, à Saint-Etienne.

C’est en feuilletant la revue « Le Jardin des Modes » de sa mère qu’il a le déclic. Il débute son apprentissage, auprès de Louis Bompuis, tailleur à Saint-Etienne. Après la Seconde guerre mondiale, il rejoint la capitale et fait ses classes chez Jeanne Paquin, avant de rejoindre un temps la maison Schiapparelli. En 1945, il rencontre le dramaturge Jean Cocteau, qui lui confie la réalisation des costumes et des masques du film « La Belle et la Bête ». C’est l’année suivante qu’il devient premier tailleur de la toute jeune maison Christian Dior, située 30, avenue Montaigne. Il contribue alors à définir le « New Look », emmené par le fameux tailleur Bar. « Il me rappelait lui-même, il n’y a pas si longtemps, qu’il était aux côtés de Christian Dior, le premier jour de l’ouverture de la Maison, et qu’il avait été son premier tailleur les quatre premières années, témoigne Bernard Arnault président de LVMH. Il était le dernier créateur de cette génération miraculeuse éclose dans l’immédiat après-guerre. »

Quatre ans plus tard, en 1950, il rachète la maison Pascaud, spécialisée dans les costumes de scènes, et lance enfin sa marque éponyme. Costumes de bal ou de scène, manteaux, tailleurs mais également créations de haute couture… Il pose les jalons du style Pierre Cardin, maîtrisant à la perfection l’art de la coupe, tout en osant les digressions modernes.

« Les vêtements que je préfère sont ceux que j’invente pour le monde de demain », disait-il dans les années 1960. Précurseur, Pierre Cardin l’a été, tout au long de sa carrière. Ses premières créations, dont sa fameuse robe bulle, figurent dans les plus grands magazines de mode. Refusant les carcans, il lance sa première collection de prêt-à-porter en 1959, se mettant à dos les puristes farouchement attachés aux valeurs de la haute couture, et inaugure sa première collection masculine l’année suivante.

Il habille les Beatles en 1963, imaginant pour leurs costumes de scène une veste sans col. Fortement impressionné et inspiré par la conquête spatiale, il imagine des vêtements aux tonalités futuristes, notamment dans sa collection « Cosmos », lancée en 1965. Vinyle, plastique, caoutchouc… il ne s’interdit aucune matière pour traduire sa vision du Space Age. Premier couturier à avoir apposé ses initiales en logo sur ses créations, il sera également le premier à faire défiler des mannequins hommes.

Redoutable homme d’affaires, il s’emploiera pendant les décennies suivantes à faire prospérer son empire, dans le monde entier. Ainsi, il signera plus de 700 licences et prêtera son nom à une ribambelle de produits de consommation : parfums, vaisselle, papier peint, valises, cravates, linge de maison, cigarettes… On lui doit également quelques-uns des défilés les plus spectaculaires : en 1990 au coeur de la Cité Interdite de Pékin ou l’année suivante sur la Place Rouge de Moscou.

De la mode à l’art

Nommé membre de l’Académie des Beaux-arts en 1992, Pierre Cardin a toujours été attentif au monde qui l’entoure. Inauguré en 1970, l’Espace Cardin, situé à quelques encablures des Champs-Elysées, lui servira pendant 45 ans d’écrin d’expression. Le couturier y accueille en effet de nombreux artistes, pour des spectacles ou des expositions. Ainsi, cet ancien théâtre et café-restaurant voit Maria Casarès, Marlène Dietrich, Delphine Seyrig, Carolyn Carlson ou encore Bob Wilson y exercer leur art, sous l’oeil attentif du maître des lieux.

Au fil des années, il achète le château du marquis de Sade à Lacoste, dans le Luberon – et crée le Festival d’Art Lyrique et de Théâtre de Lacoste qui a lieu chaque année, au mois de juillet -, le palais de Casanova à Venise, ou encore les restaurants Maxim’s en 1981, jusqu’à en ouvrir une dizaine dans le monde. En 1992, il acquiert le Palais Bulles sur la Côte d’Azur, à Théoule-sur-Mer. Cette « folie architecturale » imaginée par l’architecte hongrois Antti Lovag comprend 1.000 hublots. Jusqu’à la fin de sa vie, Pierre Cardin continuera de créer, à travers les vêtements, le design de meubles ou des projets architecturaux. L’un de ses seuls regrets ? Ne pas avoir eu d’enfant avec la comédienne Jeanne Moreau, qui partagea sa vie pendant quatre ans.

Maud Gabrielson

Source: lesechos.fr

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