Culture locale du blé : pourquoi la relance de la Sodéblé ne va pas réduire les importations

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En juillet 2020, sept coopératives de Wassandé, localité située à 80 km de Ngaoundéré (à mi-parcours entre Ngaoundéré et Meiganga), région de l’Adamaoua, reçoivent des semences de blé et des engrais. Dans le cadre du Projet national de structuration et d’accompagnement des producteurs et de vulgarisation agricole (Prosapva), le ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader) voudrait relancer la culture du blé. Sur les cendres de la Société de développement de la culture du blé (Sodéblé). En effet, face à la montée vertigineuse des importations de blé, (selon le Bureau de mise à niveau des entreprises (BMN), en 2020, le Cameroun a importé 860 000 tonnes de blé, selon le ministère du Commerce), le gouvernement a décidé de réagir en accompagnant la production locale.

Comme le fit feu le président de la République, Ahmadou Ahidjo en décidant de créer, en 1975, la Sodéblé, une industrie de production locale de la farine de blé indispensable à la fabrication du pain. Il confie la conception du projet à la Société d’organisation, de management et de développement des industries alimentaires et agricoles (Somdiaa), filiale des Grands Moulins de Paris.

Débuts prometteurs

« En trois ans, nous étions passés d’une capacité de production de 150 tonnes de blé en 1976, à près 18 000 tonnes », se rappelle un ancien cadre. Mieux, les documents de l’entreprise auxquels nous avons eu accès  en mars 2013 révèlent que, «pour satisfaire la demande sans cesse croissante, et grâce à la fertilité du sol, dès 1976, les terres cultivables vont passer de 1 000 hectares à 3 520 hectares ». Pionnier de la mécanisation agricole au Cameroun, la Sodéblé acquiert de nouveaux équipements techniques en 1985. Flairant le bon coup, l’Agence française de développement (AFD) va injecter environ 2 milliards de FCFA dans le projet. Les débuts sont donc prometteurs. Sauf qu’un matin de mai 1986, les employés apprennent d’un cadre que « l’entreprise va se séparer d’une bonne partie de son personnel pour faire face à la crise économique ».

Trois milliards dilapidés en 25 mois

Selon le rapport de recherche de Diane Pellequer, une étudiante française en agronomie qui a séjourné à Wassandé, « en 25 mois, près de trois milliards de FCFA ont été dépensés pour la réfection de la route Ngaoundéré-Wassandé, longue de 80 Km, et le financement des voyages, baptêmes, mariages, dons divers aux autorités administratives et aux membres du conseil de direction ». Ces agissements ont fait dire aux missionnaires du ministère de l’Agriculture de l’époque que « la Sodéblé est l’un des projets foireux ayant coûté des centaines de milliards au contribuable camerounais, sans pouvoir rapporter le moindre franc ».

« Ce sont la mauvaise gestion de l’entreprise, l’inadaptabilité du sol et des méthodes agricoles et les mauvais rendements qui ont entraîné la chute de la Sodéblé », soulignent dans leurs rapports des chercheurs de l’Institut de recherche et de développement (IRD), passés par là. « Entre 1975, date de sa création, et 1989, année de sa fermeture, c’était un peu plus de 125 000 tonnes pour les 3 000 hectares de terre cultivés chaque année qui ont été produits par l’entreprise alors qu’on en attendait un peu plus. La Sodéblé était alors devenue redevable envers ses partenaires étrangers de plusieurs dizaines de milliards de FCFA et à terme, ne pouvait plus payer les gros salaires de son personnel. Même la mesure de se séparer des ¾ de ces personnels ne pouvait pas la sauver du naufrage », précisent-ils.

Par ailleurs, des analyses avaient révélé que, pour fabriquer du bon pain, la farine issue des variétés de blé (le blé tendre) cultivées à Wassandé ne pouvait entrer qu’à 15% dans le pain que dans un mélange avec les blés importés (85%) de farine importée. Cette faible proportion de farine locale incorporée remet partiellement en cause la justification initiale de la création. Aujourd’hui encore, le Minader offre du blé tendre (Irad 1 et Irad 2) aux coopératives de Wassandé. Mais aussi de Banyo, dans l’Adamaoua, et de Bamenda, dans le Nord-ouest. De quoi prolonger le bail des importations au Cameroun.

 

SOURCE : ECOMATIN

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