L’Afrique de l’Ouest se présente aujourd’hui comme une terre de contrastes, oscillant entre dynamisme économique certain et défis structurels persistants. Une région qui, malgré un contexte mondial turbulent, attire les regards et les investissements, tout en étant le théâtre de débats cruciaux sur sa souveraineté et sa gouvernance.
Selon les récentes analyses du Fonds monétaire international (FMI), l’Afrique subsaharienne a enregistré une croissance de 4 % en 2024, un chiffre qui dépasse les prévisions antérieures. Cependant, cette performance est tempérée par la réalité d’une reprise jugée fragile, conduisant le FMI à abaisser ses projections de croissance pour 2025 à 3,8 %. Les moteurs de cette expansion sont clairement identifiés : ils incluent les exportations de matières premières, notamment l’or et le cacao, dont les prix mondiaux ont connu une hausse significative, les investissements publics massifs, visibles notamment au Nigeria, au Ghana et en Côte d’ivoire, et un rebond du secteur des services. Pourtant, le tableau est loin d’être idyllique. La région est confrontée à la baisse des prix pour une large majorité d’autres matières premières, à un resserrement du financement international dû aux taux d’intérêt élevés, et voit un tiers de ses pays aux prises avec le “triangle du danger” (déficits budgétaires élevés, faibles réserves de change, dettes insoutenables). L’inflation reste un problème majeur dans plusieurs pays, où elle dépasse 10 %, tandis que l’aide internationale s’effondre, restant figée et menaçant de baisser davantage. Face à cela, le FMI préconise des réformes fiscales strictes, l’élimination des exonérations, l’imposition du secteur informel, la réduction des subventions (notamment sur les carburants) et la compression de la masse salariale publique. Une “dure réalité” où l’Afrique est “sommée de supporter les coûts de politiques d’austérité”, bien que les causes soient souvent externes.
Malgré ces défis structurels, l’Afrique de l’Ouest, avec des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Bénin, s’affirme comme un pôle de croissance incontournable pour les PME exportatrices. Ces nations, aux côtés du Togo, affichent une vitalité économique notable, comme en témoignent les plus de 1 000 milliards FCFA de recettes fiscales enregistrées en Côte d’Ivoire au premier trimestre 2025. Cette dynamique régionale repose sur la diversification des économies, des investissements publics, une envolée numérique et une stabilité politique relative. Il convient toutefois de noter le contraste avec d’autres marchés, fragilisés par l’instabilité politique (Niger, Mali, Burkina Faso), où la prudence, une analyse fine des risques et des partenariats locaux solides sont impératifs. Les secteurs les plus prometteurs pour les PME sont les Technologies et le digital, les Énergies renouvelables, l’Agro-industrie et l’agritech, ainsi que la santé numérique. Les clés du succès résident dans une compréhension fine des spécificités locales, l’adaptation de l’offre, la maîtrise des codes sociaux, la digitalisation et une gestion rigoureuse des risques administratifs et financiers, notamment les retards de paiement.
En Côte d’Ivoire, précisément à Grand-Bassam, le Village des Technologies de l’Information et de la Biotechnologie (VITIB) incarne cette ambition de devenir un acteur majeur de l’innovation technologique. Le VITIB est activement engagé dans une démarche de levée de fonds, visant à obtenir 311 millions de dollars (180 milliards de francs CFA) pour financer son plan de développement d’ici 2028 et se positionner comme un hub technologique intégré en Afrique de l’Ouest. Récemment, une délégation ivoirienne s’est rendue en Inde pour rencontrer investisseurs et partenaires potentiels, soulignant le rôle historique de l’Inde, notamment le soutien financier déterminant de l’Exim Bank of India pour la construction des infrastructures clés. En hommage à ce partenariat, une partie du parc a été nommée Mahatma Gandhi. S’étendant sur plus de 600 hectares, le VITIB est structuré en zones de production, d’administration et résidentielle, offrant un environnement fiscal attractif et des infrastructures modernes telles que des datacenters et la fibre optique. Son plan stratégique vise la création de 40 000 emplois qualifiés et l’attrait de 1000 milliards de francs CFA d’investissements directs étrangers.
Au niveau de l’Union monétaire ouest-africaine, la question de la localisation des réserves d’or de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) continue d’alimenter le débat. La valeur de ces avoirs a dépassé les 2 500 milliards de francs CFA en 2024, principalement grâce à la hausse du prix de l’once. Cependant, l’essentiel de cet or repose loin du continent africain. La Banque de France détient la part la plus importante, près de 70 % du stock, tandis qu’une partie est conservée à la Banque des règlements internationaux (BRI), bien que ce stock à la BRI ait diminué en 2024 au profit d’opérations de placement. Ces opérations, engageant environ 200 000 onces fin 2024, font partie d’une nouvelle stratégie de gestion active initiée en 2023 pour obtenir un meilleur rendement. Cette concentration des avoirs à Paris est perçue par certains comme un symbole de dépendance postcoloniale, soulevant des questions sur la souveraineté monétaire réelle des États membres. Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a d’ailleurs récemment menacé de prendre ses distances si la réforme n’était pas accélérée.
Dans le domaine crucial de la santé publique, la campagne « Sain & Sûr », portée par l’ODDES et soutenue par Niyel, se positionne comme un levier d’investissement social et économique. Axée sur le renforcement de la confiance vaccinale, elle est jugée essentielle pour la santé publique et le développement économique. Après avoir touché plus de cinq millions de personnes, le programme entre dans une phase stratégique de trois ans visant à renforcer l’adhésion à la vaccination systématique par diverses approches, y compris les médias et les réseaux communautaires. Ladji Koné a rappelé que la santé publique est un “actif stratégique” protégeant la productivité nationale et sécurisant l’avenir économique. S’appuyant sur un réseau d’ONGs locales et internationales, la campagne cherche à garantir des investissements durables et à bâtir une résilience sanitaire solide pour un avenir prospère.
Sur le plan politique, le Nigeria, pays phare de la région, est secoué par de vives tensions et des accusations sérieuses. En avril 2025, 18 personnalités de la société civile ont publié une lettre ouverte accusant le président Bola Tinubu de mener une politique visant à instaurer un « parti unique ». Elles s’inquiètent de la vague de défections touchant le Parti démocratique populaire (PDP) d’opposition au profit du parti au pouvoir, l’All Progressives Congress (APC), attribuant ces changements à des pressions politiques exercées par le gouvernement. L’utilisation de “la peur et des pressions” est dénoncée, citant l’exemple du gouverneur de l’État de Delta rejoignant l’APC ou la situation de l’État de Rivers placée sous contrôle gouvernemental direct. Ces critiques estiment que cela affaiblit le pluralisme politique. Bien que la présidence nigériane rejette fermement ces accusations comme “alarmistes” et mette en avant les “réformes convaincantes” de Tinubu pour expliquer les ralliements, les inquiétudes persistent au sein de la société civile quant à la solidité de la démocratie nigériane. Ce débat ravive les luttes historiques et souligne la nécessité d’une “vigilance accrue pour éviter une dérive autoritaire”, faisant des mois à venir une période cruciale.
En somme, l’Afrique de l’Ouest, en ce printemps 2025, est une région en pleine ébullition, où les opportunités de développement technologique et économique côtoient des débats fondamentaux sur la souveraineté, la stabilité et la nature même de la démocratie. Qu’il s’agisse de lever des fonds pour construire un avenir numérique, de gérer des réserves d’or symboliques, de combattre l’inflation rampante ou de préserver le pluralisme politique, la région navigue des eaux complexes, cherchant à consolider sa trajectoire de développement tout en faisant face à des pressions internes et externes.
Valéry KUATE
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