Ces dernières années, l’entrepreneuriat a fait l’objet d’un vif regain d’intérêt. On serait tenté de croire qu’il s’agit d’une nouvelle trouvaille au regard des nombreux débats, conférences, forums et salons qui sont organisés chaque année pour en discuter. D’ailleurs, le continent africain représente un véritable creuset de l’entrepreneuriat féminin. En effet, il connaît le taux le plus élevé de femmes entrepreneuses à savoir 24 % devant l’Asie du Sud-Est Pacifique qui en totalise 11 %, et l’Europe 9 %. De plus, l’entrepreneuriat féminin en Afrique contribue pour 7 à 9 % du PIB du continent, soit environ 150 à 200 milliards de dollars.
Cependant, malgré le dynamisme qu’on pourrait reconnaître à l’entrepreneuriat féminin au regard de ces chiffres assez reluisants, tout porte à croire que c’est l’arbre qui cache la forêt. Les femmes se heurtent à divers obstacles pour développer leurs activités et l’accès au financement en constitue une problématique majeure. Ainsi, quels pourraient-être les moyens à développer pour pallier à cet obstacle ?
Les causes du déficit d’accès au financement
Dans le monde, l’accès des femmes au financement est disproportionnellement faible. En Afrique, leur situation est beaucoup plus alarmante et cela débute par l’accès inégal à un compte bancaire.
En Afrique subsaharienne, seulement 37 % des femmes ont un compte bancaire contre 48 % des hommes, un écart qui ne fait que s’accentuer depuis plusieurs années. Les femmes disposent très souvent d’un capital réduit pour démarrer leur activité et sont moins susceptibles de bénéficier de capitaux d’investissement privés ou de capital-risque. « Je vends des vêtements pour subvenir aux besoins de ma famille. Je souhaitais augmenter mon capital pour développer mes activités mais la banque m’a refusé un prêt parce que selon eux je n’ai pas de garanties solides » explique Karidja Bakayoko, commerçante de vêtements dans la ville de Daloa en Côte d’Ivoire. En effet, les banques demandent des garanties que les femmes ne peuvent souvent pas fournir. Ce sont généralement les hommes qui sont propriétaires de biens à valeur importante (titre foncier, véhicule, etc) pouvant servir de garanties. Il faut aussi noter que 45 % des femmes des pays à faibles revenus ne possèdent pas de pièce d’identité officielle, contre 30 % des hommes. Par ailleurs, les femmes ont ordinairement une aversion au risque, une faible culture financière ainsi qu’une peur de l’échec qui les empêche très souvent de demander des prêts. Elles font également face au manque de soutien familial mais aussi au manque de formation pour le développement de compétences nécessaires à la gestion effective d’une entreprise. Les contraintes personnelles (projets familiaux, projets professionnels du conjoint, responsabilités familiales), la faible intégration des femmes aux réseaux d’affaires ainsi que le manque de produits financiers adaptés à leurs besoins constituent d’autres obstacles. Aussi, le fait que les banques n’aient pas une bonne compréhension des entreprises dirigées par des femmes ou encore les niches de marché qu’elles occupent explique leur difficile accès au financement. A cela s’ajoute, le manque d’éducation financière des femmes et les obstacles à l’inclusion financière comme en témoigne le tableau ci-dessous.
La somme de ces challenges énumérés impacte ainsi négativement l’accès aux financements des femmes africaines entrepreneures. D’autant plus que face à la crise sanitaire de la COVID-19 que connaît le monde actuellement, les entrepreneures rencontrent des difficultés à mobiliser des fonds afin de maintenir leurs activités, les investisseurs ayant limité les financements au vu du ralentissement des activités de manière générale.
Pourtant lorsque celles-ci ont la possibilité d’accéder à des financements et aux marchés, elles contribuent de manière significative au bien-être de leurs familles. Cela s’explique par le fait qu’elles priorisent l’éducation de leurs enfants en mobilisant de l’épargne. Aussi, elles participent au développement économique de leurs pays par la création d’entreprises, ce qui favorise la création d’emplois et de richesses.
Initiatives pour booster l’accès au financement des entrepreneures
Pour favoriser l’accès au financement des femmes, des actions doivent être entreprises. Les gouvernements devraient instaurer des politiques et réglementations en matière d’inclusion financière qui leur seraient favorables. A ce titre, plusieurs initiatives ont déjà été mises en place à travers l’Afrique à l’instar du programme Affirmative Finance Action for Women in Africa (AFAWA).
AFAWA est une initiative de la Banque Africaine de Développement (BAD) qui vise à combler le déficit de financement estimé à 42 milliards de dollars qui affecte les femmes en Afrique. L’initiative en est aux premières discussions avec les institutions financières en Afrique de l’Ouest. Elle est également un investisseur d’ancrage à hauteur de 12,5 millions de dollars dans Alitheia IDF Managers (AIM), le premier fonds d’investissement privé en son genre, dirigé par des femmes gestionnaires de fonds expérimentées et qui investit dans des PME à forte croissance détenues et dirigées par des femmes en Afrique. En 2018, AFAWA a fourni une assistance technique à plusieurs banques. En collaboration avec Entreprenarium Foundation, AFAWA a formé 1 000 femmes entrepreneures à travers le continent Africain au développement d’un modèle d’affaires ainsi qu’à la planification financière. Ceci pour leur donner les ressources nécessaires pour accéder facilement à des financements.
Des fonds d’investissement dédiés aux femmes à l’image de Janngo (un fonds de capital-risque dirigé par des femmes qui investit 50 % de ses recettes dans des start-ups fondées, co-fondées ou bénéficiant à des femmes) devraient être plus nombreux. En Côte d’Ivoire, en 2017, le gouvernement a mis en place un Fonds pour la promotion des PME et de l’entrepreneuriat féminin doté d’une enveloppe de 5 milliards de FCFA. Ce fonds vise à faciliter l’accès au crédit bancaire aux femmes chefs d’entreprise, y compris de start-up, tout secteur d’activités confondu. L’initiative permet de stimuler concrètement le financement en faveur des femmes, faisant progresser l’inclusion financière.
Les institutions financières ne doivent pas rester en marge de ces initiatives. Elles pourraient envisager de créer des procédures bancaires favorables aux femmes comme l’annulation des soldes minimums, la réduction des exigences de garantie et l’inclusion d’autres formes de garantie plus accessibles aux femmes. En outre, les institutions financières gagneraient à développer des produits et services entièrement destinés aux femmes qui prennent en compte leurs besoins et devraient considérer au cours de leurs conceptions des aspects importants tels que la simplicité ou la fiabilité de produits, susceptibles de garantir l’utilisation fréquente de ces produits et services.
Il ne faut toutefois pas oublier que la conception de services financiers devrait s’accompagner de programmes d’éducation financière qui permettront aux entrepreneuses de développer des compétences et comportements financiers appropriés. En somme, il s’agira d’améliorer la compréhension des services financiers tout en sensibilisant les femmes sur les risques encourus pour favoriser des décisions financières autonomes et responsables. C’est dans cette optique que le Hub de la finance digitale a été créé, afin d’offrir à chacun des outils adaptés au développement de leur entreprise. Pour permettre ce changement, il faudrait également étudier les parcours clients des femmes et utiliser des connaissances pour concevoir des offres de produits financiers sur mesure. Le double avantage sera de transformer la vie des femmes et d’offrir une valeur commerciale pour les institutions financières. Une clientèle de plus d’un milliard de femmes, qui n’est pas encore connectée aux services financiers et largement sous-desservie est concernée.
Source: agenceecofin.com
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