N’attendons pas la prochaine crise pour investir massivement dans le numérique !

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En novembre 2019, Syntec Numérique a confié à un groupe d’étudiants du Master Stratégies Territoriales et Urbaines de Sciences Po Paris la réalisation d’un baromètre sur la maturité numérique d’une dizaine de métropoles françaises. Nous souhaitions discuter l’existence d’un modèle français du développement numérique, mais la crise sanitaire, puis économique, a donné un éclairage nouveau aux résultats de cette étude.

De fait, nos analyses infirment l’existence d’un modèle français de développement numérique ; chaque métropole aborde sa transformation numérique différemment, en fonction des opportunités et des projets prioritaires. On observe néanmoins des invariants communs aux métropoles les plus avancées en matière de numérique : une équipe dédiée, un portage politique, le développement d’une culture de la donnée, la prise en compte de la dimension citoyenne et l’attention portée aux bénéfices pour les agents.

L’étude a également permis d’identifier les freins au développement numérique : en externe, face aux craintes croissantes des citoyens et à la fracture numérique, comme en interne, dus au manque d’acculturation des agents.

Encore un rappel, s’il en était besoin : l’inclusion numérique devrait être la priorité de nos gouvernants – à l’échelle nationale comme locale. A ce titre, la stratégie présentée par la Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, et le Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O, permettra une vraie avancée dans la lutte contre l’illectronisme.

Mais l’étude montre aussi que les freins aux projets numériques sont dus à des difficultés techniques et budgétaires. Et c’est là que le bât blesse. Car si nous pouvons accepter que l’accompagnement et la formation des agents et des citoyens se réfléchissent sur le temps long, il faut changer de perspective et penser enfin le numérique comme un investissement – à la fois dans l’esprit de nos élus et dans les bilans comptables.

Les principaux freins aux projets de transformation des collectivités sont d’ordre financier : 60% des maires déclarent que le frein important voire très important dans la mise en œuvre d’initiatives Smart City est le manque de budget. Pour 78% des collectivités de plus de 20 000 habitants, la part du budget d’investissement de la ville consacrée aux projets Smart City est inférieur à 3% (1).

Dès lors que le numérique peut être un facteur d’économies à long terme pour les collectivités, l’engagement des collectivités devrait être entendu comme un investissement.

Des bénéfices avérés pour tous les usagers

Le principal enjeu de ces derniers mois, pour les collectivités comme pour l’Etat d’ailleurs, a été d’assurer la continuité des services publics. Or, on observe que le numérique a été un atout essentiel pour les élus et les agents des collectivités, au bénéfice de l’activité et des services pour tous les usagers de leurs territoires.

La crise actuelle a donc révélé l’urgence de l’équipement numérique des collectivités (services comme appareils), comme des entreprises et des citoyens en général. C’est une nécessité, à la fois pour que les agents puissent travailler à distance en cas de besoin, lorsque leurs fonctions le permettent, et pour maintenir le lien et informer les citoyens de façon réactive et adaptée à l’évolution de la situation.

Certaines collectivités ont ainsi soutenu le tissu d’entreprises de leurs territoires – commerçants, PME, etc. –, en mettant en relation les habitants avec les producteurs locaux, et d’en accompagner les innovations, en coordonnant les initiatives des entreprises pour produire des masques, du gel hydro-alcoolique, ou autres dispositifs médicaux.

Certaines collectivités sont plus « matures » et ont d’ores et déjà mis en place une solide culture de la donnée au sein de leur administration. Actif stratégique, les données numériques permettent aux collectivités d’améliorer leur relation usager, d’optimiser leurs process, et de créer de nouveaux services. Par exemple, dans le domaine des transports, la mobility as a service, qui s’appuie sur une plateforme de gestion et d’analyse des données issues des différents modes de transport disponibles sur le territoire, permet de proposer aux utilisateurs une information multimodale et dynamique et d’unifier les opérations de validation tarifaire et de paiement.

L’utilisation des nouvelles technologies ou la valorisation des données permettent donc aux collectivités de créer des services plus performants tout en contribuant à une bonne gestion et à l’équilibre budgétaire – dès lors que leurs règlements sont au plus près de leurs usages.

Investir massivement – et encourager les collectivités à se lancer

Grâce à l’évolution du marché des équipements numériques et la multiplication de services en cloud, l’enjeu n’est plus d’investir dans l’appropriation d’une infrastructure ou d’un logiciel, mais dans son utilisation et sa consommation. Cela signifie que les collectivités peuvent aujourd’hui engager des dépenses au plus proche de leurs besoins – ni trop ni pas assez.

Pourtant, les collectivités doivent aujourd’hui inscrire les dépenses de leur transformation numérique dans leur budget de fonctionnement, du fait de la nature des services en cloud, avec des licences réglées selon des mensualités (et non dans leur budget d’investissement, comme c’est le cas par exemple pour l’achat d’une configuration de serveur). Dès lors que ce budget est contraint, les collectivités ne peuvent engager massivement leur passage au cloud.

Le dernier projet de loi de finances est venu apporter un élément de réponse, en permettant de rendre éligibles les dépenses de cloud au fonds de compensation à la TVA. Il est impératif que toutes les composantes y soient éligibles : IaaS (Infrastructure as a Service), SaaS (Software as a service) et PaaS (Platform as a Service).

Nous devons trouver le moyen d’aider les collectivités à accélérer leurs investissements. La Ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, et Cédric O ont annoncé que les collectivités locales pourront bénéficier de 88 millions d’euros pour financer leur transformation numérique, sur les 500 millions d’euros prévus pour la transformation numérique du secteur public dans son ensemble. C’est un effort inédit et un signal fort.

Comme le plan de relance le prévoit pour les entreprises industrielles, nous devons inventer une subvention adaptée aux besoins des collectivités ! Il n’est plus temps d’attendre, c’est le moment d’investir dans le numérique ; espérons que la nouvelle mandature qui s’ouvre soit l’occasion de nombreux nouveaux projets.

Source: Lagazettedescommunes.com

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