Avoir un manager ou un CEO plus jeune que vous peut être difficile à accepter. Et si vous le preniez comme une force ? Ce dernier n’est pas arrivé là par hasard et a sans doute plein de choses à vous apprendre, sous réserve d’humilité… des deux côtés.
« Mon manager a quatre ans de moins que moi », a constaté Louis (le prénom a été changé) au moment de son embauche dans une start-up parisienne. S’en est suivi pour ce tout juste trentenaire un moment d’introspection… S’il est loin d’être insurmontable, l’écart d’âge entraîne une série de questionnements sur sa place au sein de l’entreprise, sa légitimité, son rapport aux autres, son évolution, etc.
Une pyramide des âges inversée dans la hiérarchie ne va pas « dans l’ordre des choses », selon Olivier Meier, professeur des universités, et directeur de recherche au laboratoire LIPHA Paris-Est. « Cela renverse le modèle de transmission des savoirs tel qu’il se fait depuis plusieurs décennies », ajoute-t-il.
Le faux problème de la légitimité
Pour autant, la jeunesse remet-elle en cause la légitimité d’un manager ou d’un CEO ? Loin de là. « Dans mon entreprise, le boss tire sa légitimité de son expérience, car il a déjà créé plusieurs boîtes », explique Louis. « Monter sa boîte, moi, je n’aurais jamais su le faire », ajoute Gilles Gobron, directeur marketing chez Hublo qui, du haut de ses 51 ans, dépasse de 20 ans le fondateur. « Un CEO a pris des risques, il s’est endetté, sa légitimité vient de là », conclut Marc Raynaud, président de l’Observatoire du Management InterGénérationnel.
Il faut aussi avoir en tête que le manager et son équipe ne font pas le même travail. « Moi, j’ai un profil technique, lui est dans la stratégie », précise Louis. Il est courant que dans un projet entrepreneurial, on staff les équipes avec des profils techniques souvent plus âgés que le fondateur et ayant des périmètres d’action plus définis.
« Un bon manager n’est pas forcément un bon technicien », résume Alexis Berthel, président de l’Association nationale des DRH Savoie Mont-Blanc. Victor Demonchaux, cofondateur d’Ambrosia, n’a d’ailleurs pas hésité à recruter plus âgé que lui. « J’avais besoin de quelqu’un de compétent sur le poste de directrice marketing et autonome sur ces missions, j’ai recruté une personne de 44 ans », précise ce patron de 25 ans.
Les tensions existent
Si la juvénilité ne questionne pas la légitimité, la différence d’âge entre manager et managé n’est toutefois pas sans poser certains problèmes. Dans la gestion humaine par exemple. « Le management humain, ça s’apprend avec l’expérience, avec l’âge. Mon manager, c’était la première fois qu’il dirigeait quelqu’un », explique Thomas (le prénom a été changé), 29 ans, salarié dans une start-up lyonnaise. « Parfois, je sens que le manque d’assurance dans sa posture managériale le pousse à suivre excessivement les règles, à ne pas être très flexible. Un jour, j’étais malade, et il m’a obligée à venir travailler au bureau sous prétexte que j’avais dépassé mes jours de télétravail autorisés. »
Ce travers peut se retrouver dans des recrutements : « J’ai quelquefois été confrontée à des entretiens scolaires, avec des questions qu’on ne pose plus à mon niveau de compétences et de séniorité », critique Elena, la directrice marketing de 44 ans.
Les différences de communication peuvent aussi agir comme un point de tension : usages des applications, manière de s’exprimer, etc. « Les jeunes CEO ont du mal à communiquer avec les équipes en direct. Ils peuvent passer des messages désagréables via WhatsApp ou Slack, alors que les salariés plus expérimentés ont l’habitude d’être reçus individuellement, en face-à-face. Ça peut casser des relations », analyse Amélie Favre Guittet, fondatrice du cabinet de recrutement Madircom.
Enfin, la différence de salaire peut nourrir une certaine amertume. « Le boss a forcément un plus gros salaire et une autre façon de consommer. Quand il est plus jeune que toi, c’est parfois difficile à accepter », explique Louis.
Une relation horizontale
Au-delà de ces crispations, et si on appréhendait plutôt cette différence d’âge comme une richesse ? Le « senior » apporte son expérience, le « jeune » sa maîtrise des outils, son élan entrepreneurial, etc. Accepter les critiques, demander conseil, dans les deux sens, voilà la clef. « Mon manager me consulte aussi pour la vision stratégique », détaille Louis. Victor Demonchaux a également adopté cette posture vis-à-vis d’Elena : « Je viens parfois directement à elle pour avoir son avis, qu’elle me fasse part de toutes ses compétences accumulées. Elle a plus de recul, une meilleure opinion sur certains sujets. ». Elle, envisage la situation de cette façon : « C’est plus une sorte de coaching par moments qui va se mettre en place. J’ai effectivement managé plus de personnes que lui ». Avec beaucoup d’humilité, précise tous les acteurs concernés. Sans quoi, les remarques risquent de mal passer.
A l’inverse, le managé doit accepter les commentaires de son jeune supérieur hiérarchique, sans se braquer. « Quand quatre personnes qui ont 25 ans me disent qu’ils ne sont pas d’accord avec ma présentation marketing, je le prends comme un challenge. Ça me pousse à être sûr de ce que je produis, à me dépasser », explique Gilles Gobron.
Car derrière ces problèmes de différence d’âge, c’est souvent d’ego dont il est question, résume Jean-Régis de Vauplane, directeur marketing et commercial chez Flaneer. Ce trentenaire voit dans le malaise que peut créer la situation la crainte d’être jugé : « C’est la peur du regard des autres », explique-t-il. Et d’ajouter : « Moi, je m’en fiche, car je fais le job que j’aime, avec un projet auquel j’adhère. C’est dans la réussite de la boîte que j’attends ma « valorisation sociale » » . Sous-entendu : pas dans l’âge. A bon entendeur.
Source: Start.lesechos
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