EDITORIAL : La restitution du patrimoine africain : un impératif de justice et de décolonisation culturelle

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Le débat autour de la restitution du patrimoine culturel africain est devenu une question centrale de justice historique et culturelle, marquant un tournant dans les relations entre l’Afrique et les anciennes puissances coloniales. La désignation de l’année 2025 comme “Année du patrimoine culturel africain” par l’Union européenne souligne l’importance de cette initiative, visant à revaloriser l’immense richesse historique, artistique et sociale du continent. Cette démarche n’est pas seulement une célébration du passé, mais une opportunité de redéfinir la place de l’Afrique dans le paysage culturel mondial, en promouvant la justice historique, le développement durable et le dialogue interculturel.

Un héritage douloureux et une injustice persistante

La notion de spoliation culturelle, bien que complexe à définir universellement en raison des contextes historiques variés, désigne la dépouillement d’un État, d’une communauté ou d’un individu de son patrimoine. Ce phénomène historique, pratiqué à grande échelle depuis l’Antiquité, a atteint une ampleur sans précédent durant la période coloniale. L’Afrique, en particulier, a été la cible d’une spoliation massive et systématique de ses biens culturels, un fait qui définit et mesure la spécificité de son cas.

Les modes de spoliation coloniale

Les sources révèlent que l’acquisition des œuvres africaines par les puissances coloniales s’est faite par diverses méthodes, souvent sous couvert de légalité ou de mission civilisatrice, mais toujours dans un contexte d’iniquité et de violence.

Butins de guerre et expéditions punitives: Lors des affrontements militaires et des “expéditions punitives”, les objets culturels étaient systématiquement saisis. Des officiers militaires étaient en liaison constante avec les musées européens et planifiaient ces “collectes”. Les bronzes du Bénin, saisis lors de l’expédition britannique de 1897, et les trésors royaux du Dahomey, pris par le général Dodds en 1892, en sont des exemples emblématiques. Le “Tangué de Lock Priso” au Cameroun, butin d’une expédition militaire allemande en 1884, illustre également cette pratique.

Missions scientifiques et acquisitions illicites: Décrites comme des “missions d’exploration” ou des “raids scientifiques”, ces opérations ont permis l’acquisition de nombreux objets par la violence, la ruse ou dans des conditions iniques liées à l’asymétrie du contexte colonial. Michel Leiris, dans son journal de la mission Dakar-Djibouti (1931), témoigne de l’achat forcé d’un masque Kono pour 20 francs, sous la menace. Les objets rapportés par les missionnaires visaient à “montrer le courage des missionnaires et les dangers auxquels ils s’exposent” et à illustrer la “mission civilisatrice de l’Église”.

Transactions désavantageuses et dons contraints: Même lorsque des transactions avaient lieu, elles se faisaient dans des conditions désavantageuses pour le vendeur, souvent contraint d’accepter des “babioles contre une statue en marbre en présence de militaires armés”. Les “dons” d’objets pour s’attirer les bonnes grâces de l’envahisseur relevaient de l’abus de confiance. Le général Louis Archinard, par exemple, a “donné” plus d’un millier d’objets au Mali.

L’ampleur du pillage et ses conséquences

Le rapport Sarr-Savoy (2018), commandité par le président français Emmanuel Macron, met en lumière qu’entre 90% et 95% du patrimoine culturel africain se trouve aujourd’hui en dehors du continent, principalement dans les musées européens et les collections privées. Ce “fossé immense” est une “déperdition massive” par rapport à d’autres situations de spoliation. Par exemple, le Cameroun compterait à lui seul 40 000 objets d’art en Allemagne, et le Musée du Quai Branly à Paris dénombre 69 000 à 70 000 pièces de provenance africaine.

Cette perte massive a eu des répercussions profondes sur l’identité et la mémoire des peuples africains. Les auteurs du rapport Sarr-Savoy décrivent la captation patrimoniale comme un “crime contre les peuples” comparable au “viol, à la prise d’otages, à l’emprisonnement ou la déportation d’intellectuels”, entraînant une “aliénation” et un “équilibre psychologique brisé”. L’absence de ces “objets-repères” a généré un “traumatisme”, un “sentiment de honte d’exister” chez les jeunes générations, et a laissé des “séquelles” qui nécessitent une “cure” et un “processus de résilience”. Certains commentateurs parlent de “Mémoricide”, soulignant les “répercussions sur le plan culturel, éducatif, identitaire, affectif, politique, matériel, sociologique, religieux, économique, locale et globale”. La non-restitution est perçue comme une injustice pérenne qui perpétue le déni de dignité.

Inventaire des patrimoines pillés et principales revendications

La demande de restitution n’est pas nouvelle, mais une organisation plus formelle en Afrique a émergé ces dernières décennies. Voici un aperçu des principaux patrimoines concernés et des revendications spécifiques:

Bénin (ancien Royaume du Dahomey):

    • Revendication: Le Bénin a été l’un des premiers pays à recevoir des restitutions significatives. Le président Emmanuel Macron avait promis, dès 2018, de “restituer sans tarder 26 œuvres” prises par le général Dodds en 1892 lors des combats sanglants à Abomey.
    • Restitution concrète: 26 œuvres ont été effectivement restituées par la France au Bénin en 2021. Ces pièces, incluant des statues royales en bois, étaient conservées au musée du Quai Branly. Le processus a été documenté par le docu-film Dahomey de Mati Diop, lauréat de la Berlinale 2024.
    • Le rapport Sarr-Savoy avait spécifiquement proposé la restitution de trois statues (Musée du quai Branly n°71.1893.45.1-3), quatre portes du palais royal, un siège royal, une sculpture et deux trônes.

Nigéria (Bronzes du Bénin):

    • Revendication: Ces plaques et sculptures ont été pillées par les forces britanniques lors de l’expédition punitive de 1897 dans le Royaume du Bénin. Le British Museum de Londres avait refusé leur restitution en 1977. Le Nigéria avait alors déclaré que “ceux qui ont créé cet art sont toujours vivants, et ce sont eux la matrice créatrice de ces objets”, et qu’ils recréeraient les œuvres si nécessaire.
    • Restitution concrète: Les Pays-Bas ont restitué officiellement 119 sculptures de la collection des bronzes du Bénin au Nigéria en juin 2025. L’Allemagne a également entamé des restitutions de ces bronzes. Un accord a aussi été conclu entre le Musée d’Ethnologie et le Nigéria pour le transfert de propriété de 512 objets pris lors de la même expédition.
    • Le projet Looty, un collectif d’artistes nigérians, vise à récupérer numériquement ces artefacts via des NFT pour contourner la complexité des restitutions physiques. Le rapport Sarr-Savoy avait proposé la restitution de deux plaques, une défense sculptée et deux têtes.

Sénégal:

    • Revendication: Le Sénégal a demandé le retour de pièces importantes, notamment le sabre et les effets personnels d’El Hadji Oumar Tall.
    • Restitution concrète: Le sabre d’El Hadji Oumar Tall a été restitué par la France au Sénégal en 2019. D’autres objets de sa famille, incluant des sabres, des bijoux et plus de cinq cents manuscrits, sont toujours conservés au Musée de l’Armée, au Musée du Quai Branly et à la Bibliothèque Nationale de France.
    • Le rapport Sarr-Savoy avait listé le sabre, des objets conservés au Musée d’histoire naturelle et des bijoux parmi les propositions de restitution.

Mali:

    • Revendication: Le Mali réclame des objets, notamment le “trésor de Ségou”, dont une partie (129 pièces) se trouve au Quai Branly et 518 volumes à la Bibliothèque Nationale de France, provenant des “dons” du général Louis Archinard.
    • Le rapport Sarr-Savoy a proposé la restitution de plusieurs masques et d’un objet cultuel, le Kono de Dyabougou, acquis par Michel Leiris dans des conditions controversées en 1931 et exposé au Quai Branly.
    • La numérisation du patrimoine est une priorité, notamment pour les manuscrits touaregs du Niger (programme ArchiMed).

Cameroun:

    • Revendication: Le Cameroun compte 40 000 objets d’art conservés en Allemagne. Un cas notable est le “Tangué de Lock Priso”, un objet de pouvoir religieux des chefferies Sawa, pris en butin en 1884. L’Allemagne a refusé la restitution de l’original, proposant une copie, ce qui a conduit à la fabrication d’un nouveau Tangué au Cameroun.
    • Le rapport Sarr-Savoy a suggéré la restitution d’un trône du Cameroun (Musée du Quai Branly n°71.1934.171.1).

Éthiopie:

    • Revendication: L’Éthiopie réclame les “Tabots” (tablettes sacrées), pillées au XIXe siècle et conservées au British Museum, qui fait l’objet d’une enquête pour avoir dissimulé des informations à leur sujet.
    • Le rapport Sarr-Savoy a proposé la restitution de peintures de l’église Abbā Antonios du Musée du Quai Branly.

Côte d’Ivoire:

    • Revendication: Le Djidji Ayokwe, un tambour parleur saisi en 1916, fait l’objet d’une proposition de loi pour sa restitution, adoptée à l’unanimité par le Sénat français en avril 2025.
    • Des objets du trésor de Samory Toré, estimés à “douze caisses”, sont également concernés, provenant d’un territoire aujourd’hui situé entre la Guinée et la Côte d’Ivoire.

Madagascar:

    • Revendication: Le président français Emmanuel Macron s’est engagé à restituer trois crânes Sakalava à Madagascar en mars 2025, actuellement conservés au Musée de l’Homme à Paris.

Mozambique:

    • Revendication: En mai 2025, le Mozambique a entamé une demande de restitution d’au moins 800 œuvres d’art ou objets patrimoniaux pillés durant la colonisation, et actuellement dans des musées au Portugal et en Europe.

Restes humains:

    • La dépouille de Saartjie Baartman, la “Vénus hottentotte”, a été restituée à l’Afrique du Sud en 2002, marquant un précédent important pour la restitution des restes humains.
    • Des demandes de restitution concernent sept squelettes de pygmées ramenés à l’Université de Genève en 1952.

Il est important de noter que, malgré ces avancées, le nombre total d’œuvres restituées reste relativement faible par rapport aux dizaines de milliers d’artefacts africains encore présents dans les collections européennes.

La justification de la demande de retour : Au-delà de la simple restitution d’objets

La demande de restitution des biens culturels africains va bien au-delà de la simple propriété d’objets. Elle s’inscrit dans une logique de justice, de réconciliation et de développement, touchant aux droits culturels, à l’identité et à la souveraineté des nations africaines.

La réparation du crime colonial et l’effectivité des droits culturels

Les restitutions sont vues comme un mode de réparation du crime colonial et une contribution essentielle à l’effectivité des droits culturels. Le colonialisme, ayant tenté de faire des Africains un peuple culturellement déshérité, a produit un “effet de coagulation ou d’étouffement de l’expression culturelle des peuples colonisés”. Le retour de ces biens est perçu comme une étape décisive vers la fin de la colonisation sous ses formes culturelles.

Le système africain des droits de l’homme, bien que ses principaux instruments ne mentionnent pas directement la restitution des biens culturels, établit un lien de causalité entre ce retour et l’effectivité des droits culturels. Ces droits incluent le droit à l’identité culturelle, le droit de jouir de son héritage culturel, le droit à la formation et à l’information sur son passé, le droit de pratiquer son culte ancestral, la justice culturelle et l’autodétermination culturelle. En effet, la non-restitution de ces biens perpétue une injustice et jette un discrédit sur le degré de civilisation de certains États qui “s’accrochent à garder jalousement les preuves macabres de leur passé criminel”.

Le retour permettrait également de solder les séquelles de la situation coloniale et de restaurer la “présence au monde des peuples africains contemporains”. L’idée que les objets d’art africains doivent être considérés comme un “patrimoine commun de l’humanité” est vivement critiquée par la vision progressiste, qui y voit un risque de “blanchiment des biens culturels mal acquis” et une continuation du “libéralisme à sens unique”.

La reconnexion identitaire et la revitalisation culturelle

Les objets culturels africains ne sont pas de simples “trésors” ou “objets d’art” à exposer, mais des “porteurs de mémoire” et des éléments cruciaux de l’âme et de l’histoire de cultures entières. Ils provenaient, avant tout, des “espaces africains de culte et de pouvoir, du quotidien”, et leur transformation en “objets d’art” par la muséographie occidentale a altéré leurs fonctions religieuses, politiques et usuelles. La restitution est donc essentielle pour que les communautés se reconnectent avec leur passé et pour la reconstruction de l’identité des sujets et des communautés. Felwine Sarr et Bénédicte Savoy soulignent que le principe même de la culture se génère par la transmission, la reproduction, l’adaptation et la transformation des savoirs et des objets au sein des sociétés. La jeunesse africaine, bien que n’ayant pas vécu le moment colonial, est héritière d’une histoire fragmentée et d’une mémoire occultée, et la restitution peut agir comme un “opérateur de reconstruction”.

Défis et arguments rencontrés

Le processus de restitution est confronté à des défis complexes.

Complexité juridique et inaliénabilité des collections: La principale entrave en France est le principe d’inaliénabilité des collections publiques. Le rapport Sarr-Savoy propose l’adoption d’une loi spécifique ou une modification du code du patrimoine pour permettre des restitutions permanentes. Des précédents existent, comme la restitution des restes de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud en 2002. La non-rétroactivité des conventions internationales (Convention de La Haye de 1954 et Convention de l’UNESCO de 1970) complique le règlement des problèmes passés avec un cadre légal présent.

Craintes concernant l’accueil et la sécurité des œuvres en Afrique: Certains musées européens expriment des craintes que les œuvres restituées ne soient “vendues ou endommagées”. Cependant, des institutions africaines modernes et prestigieuses existent et sont parfaitement capables d’accueillir ces collections, telles que le Musée des Civilisations Noires et le Musée Théodore Monod d’art africain à Dakar, le Musée national du Mali à Bamako, la Fondation Zinsou au Bénin, le Musée national du Cameroun ou le Musée royal de Foumban. De plus, les objets ont été volés de quelque part, et leur conservation n’était pas un problème avant la colonisation.

Manque d’inventaire précis et de recherches de provenance: Il n’existe pas de cartographie précise ou de répertoire centralisé du patrimoine africain en France. La provenance des objets est souvent peu documentée, ou l’acquisition s’est faite par la violence. Des initiatives de numérisation (comme CHANGEMENTS pour Lalibela, ArchiMed pour les manuscrits touaregs) et de musées virtuels (Patrimoine africain en ligne) sont en cours pour cartographier et rendre accessibles les collections.

Coût des restitutions: Le processus de restitution est jugé “lent et coûteux”. L’article 7 de la Convention de l’UNESCO de 1970 prévoit des indemnités équitables pour les “acquéreurs de bonne foi”, ce qui est considéré comme “immoral” en mettant des charges pécuniaires sur les victimes d’une injustice passée.

Les enjeux économiques pour le continent africain : Un levier de développement durable

Au-delà de la justice historique et de la réparation mémorielle, la restitution du patrimoine culturel africain est perçue comme un levier essentiel pour le développement socio-économique et le tourisme culturel du continent.

Culture comme pilier du développement

L’Union africaine, à travers son Agenda 2063, identifie la culture comme un pilier fondamental de l’intégration africaine et de la construction d’une identité panafricaine. Le retour des biens culturels contribuera à la reconstitution du patrimoine culturel africain, saccagé par le colonialisme, et à la promotion d’une renaissance africaine.

Le président béninois Patrice Talon a clairement exprimé cette vision, affirmant que la restitution est désormais pour le Bénin “un moyen de lutte contre la pauvreté, un facteur de création d’emploi et de richesses, un outil de développement socio-économique”. Il a souligné la volonté du Bénin d’investir dans le tourisme et de révéler l’histoire d’Ouidah, non comme une “dynamique de revendications ou de lamentations, mais comme une dynamique commerciale”.

Promotion du tourisme culturel et des industries créatives

Le retour des œuvres permettrait de valoriser les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO en Afrique, comme Lalibela en Éthiopie et Tombouctou au Mali, et de développer le tourisme culturel. Des initiatives comme “La route des empires africains”, reliant des sites historiques, contribuent à cette dynamique. Le développement de musées modernes et l’accessibilité à leur propre patrimoine sont cruciaux pour attirer les visiteurs et les investissements.

Le développement de l’industrie artistique et touristique, y compris la restauration du patrimoine culturel, est une dimension économique importante. Cela passe par la formation de jeunes conservateurs (comme via l’université virtuelle panafricaine, PAVEU) pour gérer les musées et les sites archéologiques.

Financement et investissements

La préservation du patrimoine africain nécessite d’importants financements, estimés à 2 milliards de dollars par an par l’UNESCO, dont seulement 15% proviennent des gouvernements locaux. Des programmes comme Afrique50 cherchent à attirer les investisseurs privés pour combler ce déficit. L’Union européenne a alloué 150 milliards d’euros pour des projets culturels en Afrique, incluant la numérisation d’archives et la formation de restaurateurs. La Chine finance également des musées, comme le Musée des civilisations africaines à Dakar.

Cependant, le financement des procédures de restitution elle-même (coûts humains, transport, assurance) n’a pas été entièrement évalué, et les auteurs du rapport Sarr-Savoy espèrent des fonds provenant du mécénat, de l’Agence Française du Développement (AFD) ou de fonds européens.

Défis persistants et perspectives d’avenir

Malgré l’élan actuel, de nombreux défis subsistent pour concrétiser pleinement le retour du patrimoine africain.

Fragmentations des politiques et nécessité d’harmonisation

Un défi majeur est le caractère fragmentaire des politiques étatiques africaines en matière de restitution. Les pays africains ont tendance à avancer “en ordre dispersé”, menant leurs batailles de manière bilatérale (par exemple, la RDC contre la Belgique, le Nigéria contre la Grande-Bretagne, le Bénin contre la France, le Mali et le Sénégal contre la France). Cela prolonge le processus et affaiblit leur pression collective.

La nécessité d’une harmonisation des politiques culturelles à l’échelle régionale est cruciale. Une proposition de l’Union africaine est la création d’une “Agence du patrimoine africain” pour coordonner les politiques continentales, s’inspirant de modèles comme l’ICCROM. L’UNESCO a déjà un comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels, mais une structure similaire au niveau régional africain est quasi-inexistante alors que le continent est le plus touché.

Cadre juridique et terminologie

Soixante pour cent des pays africains ne disposent pas de lois spécifiques pour protéger le patrimoine. De plus, les instruments africains dédiés à la culture peinent à être ratifiés massivement. Il est également essentiel d’insister sur l’utilisation du terme “restitution”, qui porte une “charge légale” impliquant une reconnaissance d’acquisition illégale, plutôt que le terme “circulation” préféré par certains musées occidentaux. La restitution, selon le professeur Diagne, doit se faire à l’État, qui déterminera ensuite la destination finale de l’objet.

Rôle des technologies et de la recherche

Les technologies modernes, comme l’intelligence artificielle et la numérisation 3D, sont utilisées pour cartographier les sites menacés et créer des bases de données. Des plateformes virtuelles comme Patrimoine africain en ligne rendent les collections accessibles. La blockchain est même testée pour la traçabilité des œuvres. Des chercheurs africains bien formés utilisent déjà ces outils numériques pour la recherche de provenance. Il est essentiel d’améliorer la connaissance des collections africaines conservées en Europe et de rendre les inventaires accessibles en ligne, intégrant une recherche systématique de provenance.

Coopération internationale et engagement collectif

Le processus de restitution nécessite l’implication non seulement des États et des institutions, mais aussi de la société civile et des communautés artistiques. Des collaborations internationales, comme celles de l’Italie avec son “Décret sur la culture 2025” ou les financements de la Chine pour des musées, sont importantes. Les réseaux universitaires et la diaspora jouent un rôle crucial, comme lors des “Dialogues sur le patrimoine culturel”.

Le rapport Sarr-Savoy propose un programme de coopérations culturelles incluant l’établissement d’inventaires, des programmes de recherche, des coopérations scientifiques à long terme (équipements, formation), des actions de sensibilisation, et la lutte contre les trafics. Le financement de ces actions doit être assuré par les modalités habituelles et de nouveaux fonds.

Vers une nouvelle renaissance africaine

L’Année du patrimoine culturel africain en 2025 n’est pas seulement une commémoration, mais un véritable “laboratoire du futur” où la justice historique, la technologie et la coopération s’entremêlent. Comme le souligne Felwine Sarr, “le patrimoine n’est pas une relique du passé, mais une semence pour l’avenir”. La restitution des biens culturels africains est indissociable de l’effectivité des droits culturels et représente un pas décisif vers la décolonisation des esprits. Elle permettra à l’Afrique de se réapproprier son récit, de renforcer son identité et de libérer son potentiel de développement.

Pour concrétiser cette vision, il est impératif que les gouvernements africains harmonisent leurs politiques culturelles et qu’un “front commun pour la culture” émerge. Les investisseurs, les gouvernements et les citoyens sont appelés à soutenir les fonds dédiés, à mettre en œuvre des lois protectrices et à participer à des initiatives pour partager les histoires et les traditions, afin de construire une Afrique plus unie et plus consciente de son héritage.

Par Valéry KUATE

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