Les plus grandes Bourses d’Afrique raccordent leurs réseaux pour faciliter le financement de l’économie. L’interconnexion de sept places financières est une première étape pour créer un marché africain des capitaux.
Sept Bourses participent à cette plateforme encore en phase expérimentale : Johannesburg, Lagos, Nairobi, Casablanca pour le Maroc, Abidjan, la Bourse d’Égypte et celle de Maurice. Une union hétéroclite par la taille des participants : la BRGM qui regroupe les huit pays de la sous-région pesait 10 milliards de dollars en capitalisation boursière à la fin 2021, dix fois moins que Johannesburg, la plus ancienne et la plus prospère des Bourses africaines avec plus de 1 000 milliards de dollars de capitalisation au compteur. Mais l’interconnexion n’est pas la fusion, c’est surtout un moyen de mieux faire circuler l’argent d’un pays à l’autre dans un continent encore hyper-fragmenté.
Concrètement comment ça marche ?
Avec cette plateforme, un Ivoirien peut acheter une action émise à Nairobi en s’adressant au courtier ivoirien assermenté. Celui-ci se mettra alors en relation avec son alter ego kényan pour réaliser l’opération. Les frais ne devraient pas doubler, mais être partagés entre les deux courtiers. Sur un continent où seulement un adulte sur dix a un compte en banque, parler d’investissement transfrontalier en Bourse peut sembler surréaliste. C’est pourtant une évolution indispensable pour rendre la Bourse plus attractive explique Ange Panou, économiste chez Sika Finance. Les épargnants, qu’ils soient des particuliers ou des institutionnels, comme les caisses de retraite, pourront ainsi diversifier leurs placements. Pour les Nigérians qui subissent les dépréciations fréquentes du naira, acheter de la dette émise en francs CFA sur le marché ivoirien, par exemple, peut être un bon moyen de protéger son capital. Passer par des courtiers assermentés, c’est aussi sécuriser son opération précise Ange Ponou. Investir en Bourse est plus sûr que les pyramides de Ponzi frauduleuses qui ont ruiné des Ivoiriens trop crédules. Sans parler des investissements en crypto, si faciles d’accès, mais si dangereux pour préserver la valeur.
La Bourse est-elle vraiment appréciée des entreprises africaines ?
Aujourd’hui en Afrique, la plupart préfèrent se financer par l’emprunt bancaire ou le private equity, les fonds privés, parce que c’est moins cher, moins exigeant en réglementation, et moins compliqué que la Bourse. Résultat, les fruits de la croissance réalisés par ces entreprises enrichissent les banques ou les fonds mais pas les locaux, tandis qu’en Bourse les dividendes sont redistribués en fin d’année aux actionnaires locaux. L’interconnexion permettra ainsi de drainer des capitaux venus de nouveaux horizons et donc d’attirer les entreprises. À condition de créer aussi de nouveaux marchés adaptés à la taille des PME qui forment 80% du tissu économique d’un pays comme la Côte d’Ivoire.
Au départ, ce sont les États qui ont fait la promotion de l’interconnexion des Bourses africaines
L’idée est lancée en 2015. Les États réalisent que lever des capitaux sur les marchés occidentaux, les fameux Eurobonds, peut se révéler dangereux quand l’euro ou le dollar se raffermit. Avec l’interconnexion des Bourses, ils espèrent pouvoir se financer sur le marché africain, ce qui réduit partiellement le risque de change, et les rend moins dépendants des créanciers occidentaux, ou asiatiques, en cas de crise de la dette. La pandémie a fragilisé les finances des États africains, mais elle a aussi accéléré les projets d’interconnexion des bourses, estime Ange Ponou. Si l’expérience menée depuis vendredi est concluante, la nouvelle plateforme sera inaugurée début décembre à Abidjan.
Source :rfi
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